Plaidoyer pour une poésie libérée

Mention concours Arts et Lettres de France – Bordeaux – 2018
Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2019

Renverse la dictature de la prosodie,
Fais fi des règles de versification,
Des répétitions, de la métrique !
Quitte au plus tôt cet étouffant conformisme !

Lâche-toi ouvertement dans ton écriture !
Adopte, pourquoi pas, la désinvolture…
Oublie d’ores et déjà les rigueurs des sonnets,
Débusque immédiatement ta créativité bridée !

Joue-toi clairement de la contrainte des rimes,
Recherche l’inspiration des cimes tout là-haut.
Invente à profusion des mots qui collent à la réalité,
Adopte un esprit profondément novateur !

Ose, pour une fois, te défouler, t’envoler !
Mais n’oublie jamais d’en vérifier la musicalité…
Laisse-la éclabousser tes textes de son écume,
Libère enfin ta plume jusqu’alors muselée !

Je ne suis pas indifférente

À tous ceux et celles
Qui honorent mes poèmes
D’une notation

Je dois présenter
Sans plus tarder mes excuses
Pour mon irrespect.

Presque à chaque fois
Je ne remercie personne
Pour ce beau cadeau.

Simple est ma requête
De ne pas m’en savoir gré
Je vous remercie.

Laissez-moi pourtant
Vous confier combien vos notes
Font ma nourriture.

Comptabilisés
Comme autant de beaux trophées
Sont vos coups de cœur.

C’est moi aujourd’hui
Qui veux vous attribuer
La note majeure.

Celle qui revient
À vos esprits généreux
Libres et ouverts.

Faux espoirs

En vain, j’ai attendu, avec à la main, mon dérisoire petit bouquet de jasmin. A vous guetter au lointain, j’aurais pu vous attendre jusqu’à demain.

Aujourd’hui, je suis venue mais pas jusqu’à vous, même si je vous avais quémandé ce rendez-vous. Déshonorant l’amour que votre cœur me voue, je n’ignore pas à quel point, il me désavoue.

Je ne peux pas me résoudre à l’évidence et revisite, en pensée, notre correspondance. L’un comme l’autre avançaient avec prudence sur le chemin des confidences.

Mille fois, je me suis projetée dans ce rêve, où, grâce à vous, le jour pour moi s’est levé. Votre passion naissante coulait comme la sève, vos sentiments mesurés m’offraient une trêve.

J’imaginais votre cœur déjà palpiter, me suppliant pour toujours de l’abriter, certain que vous auriez cultivé la fidélité. Avec infini bonheur, j’aurais tout accepté!

Délaissée, m’étiolant peu à peu, pour me sauver de la cage dorée d’où vous me libériez, mon âme s’était laissé obligeamment captiver tout en voulant préserver ma candeur.

Dans mon esprit, c’était établi. Votre amour frémissant m’était acquis. Dans mon être où la soif de vous naquit, votre délicate timidité m’avait conquis.

Ce dessein imparfait s’écrivait au présent. Telle la chenille, je m’extirpais de cet état larvé dans lequel nombre de femmes s’endorment.

Rassurez-moi, telle une hirondelle, vous étiez apeurée. Au bout de cette ruelle, vous allez arriver ?

En moi, la flamme d’un ailleurs scintillait. L’ombre que j’étais, en pleine lumière, enfin naissait !

Vos yeux ne m’avaient pas menti sur vos sentiments, je l’avais pourtant bien ressenti. Sur votre bouche gracile, en moi, retentit le clair murmure de votre amour pressenti.

Pourquoi tout a soudainement basculé ? Un doute insidieux à peine formulé ? Une hésitation pas même articulée, un remords, par l’éducation, véhiculé ? Au seuil de l’inconnu, pas prête à entrer ?

Ce couple, tout là-bas, hanche contre hanche… Cette vision suscite en moi une avalanche de déception et de chagrin mêlés. Je flanche. Dans le noir de mon désespoir, je me retranche.

La crainte d’un avenir inconnu à écrire s’ajoutant à celle de pouvoir m’accomplir, de m’emparer de ce que j’ai voulu devenir ? Pourquoi m’enfuir, sur le point d’aboutir ?

C’est fini désormais, aucun motif d’espérer. Vous avez été une douce rêverie à peine effleurée. Votre orgueil vous a conduite à m’ignorer, vous n’avez pas hésité de me déchirer.

Je sens mon cœur battre, à tout rompre, d’émotions soulevé, de lui refuser de venir vous retrouver ? Comment expliquer, comment lui justifier cette idylle inachevée ?

Devant cette infâme cruauté, je capitule. Attendre après vous relèverait du ridicule. Face aux passants, mon malheur je dissimule, et m’éloigne, mes pensées orphelines, vers le crépuscule.

Esprit en lambeaux, âme laminée, la raison m’a vaincue. A elle, je suis enchaînée. Vos espoirs, à jamais assassinés, par ma faute, vous souffrez. Sans voir, je le sens, je le sais.

Pourrez-vous, un jour, me comprendre, à défaut me pardonner ?

La forêt d’ombre d’où personne ne revient

Concours de poésie Frontignan – 2018

J’ai osé entrer dans cette forêt d’ombre,
Une forêt dont nul n’est jamais revenu.
L’appel de l’obscur retentit encore en moi,
Incantation lointaine, fascinante et angoissante.
Quand soudain s’élève la tempête,
Je me sens hypnotisée par la peur suscitée,
Totalement prisonnière de sa puissance.
Des gémissements montent dans les aigus :
C’est le vent qui joue sa furieuse partition.
C’est aussi lui qui se jette à l’assaut du ciel
Afin d’écrire les notes manquantes.
Sa symphonie glaciale est dévastatrice,
Sa musique ricane, semble étouffer la vie
Dans un hideux feulement de fin de monde.
Je suis prise au piège, perdue corps et âme…
À quoi bon lutter ? Autant lâcher prise.
Du plus profond de mon être monte
un hurlement.
Tête en arrière, visage giflé par les éléments,
Mon cri s’élève, chevauche le vent,
S’enroule de son panache, court au-delà des cimes.
Je fais corps avec lui, abandonne mes peurs.
Il nettoie mon âme, souffle pour en apaiser les brûlures.
Probablement suis-je en train de côtoyer
la folie,
Je ne m’appartiens plus, je ne suis plus
moi-même.
J’expire dans un ultime souffle toutes
mes douleurs.
Subitement s’impose un silence éclatant.
Je gis dans une clairière emplie de paysages nouveaux :
Je venais de faire le vide, éliminer tout ce qui encombrait ma vie.
J’avais déposé mes fardeaux.
Une « re-naissance ».
J’étais revenue de la forêt d’ombre.

Inexorable refrain

Il porte tout le poids de sa vie sur ses épaules affaissées.
Il a l’âge de ce mur de pierres sèches contre lequel il vient s’asseoir.
Cette année, le printemps ne rallumera plus en lui la flamme.
Mais il ne le sait pas encore.
Ses mains engourdies caressent le fragment d’une lettre jaunie.
Sa tête inclinée sur le texte laisserait penser qu’il lit,
Mais ses yeux clos retiennent des souvenirs presqu’éteints
Qu’il tente de ranimer en fouillant sa mémoire lacérée
par le temps.
L’encre, depuis longtemps délavée par ses larmes,
Livre cependant l’ombre des mots d’amour psalmodiés
À celle qui ne vit plus que dans son pauvre cœur.
Chaque mot est une déchirure supplémentaire infligée à son âme.
Il implore la mort de rompre ce lien ténu qui le garde ici-bas.
Il jette alors ses maigres forces dans cette ultime prière
Qui n’arrive même pas au ciel, de tant d’épuisement.
Cependant, l’ombre du mur grandit, s’étend à l’approche
de la nuit.
Elle l’enveloppe maintenant et enserre son cœur.
Derniers battements, dernier souffle.
Peu à peu, son corps se fond dans cette froide obscurité.
Est-il devenu pierre ou bien cette poussière balayée par le vent ?
Le temps s’écoule, quelques secondes, une vie ou une éternité…
C’est déjà demain. Au bout du sentier inondé de soleil,
Deux jeunes amoureux marchent hanche contre hanche,
Se tiennent par le bout des doigts frémissants,
Viennent s’asseoir contre le mur de pierres sèches
gorgées de chaleur.
Le jeune homme pense à cette lettre d’amour au fond de sa poche
Qu’il va murmurer tout à l’heure à sa douce, amoureusement.
Ils laissent le printemps écrire leur amour qu’ils veulent éternel,
La brise tiède tourne les pages de leur vie
Qui éclate autour d’eux avec insolence.

De fil en aiguille

Elle se fait craintive, la vie :
Encore au stade embryonnaire,
C’est un petit être en devenir
Qui ne sait presque rien de lui. 

Elle se veut inventive :
Une touche de couleur pour les yeux,
Un nez qui deviendra irrésistible,
Un cœur capable d’aimer, d’être aimé. 

Elle est surprenante :
Ce bébé qui vient au monde
Encore tellement dépendant
Mais doté d’une farouche envie de vivre ! 

Elle se renforce, s’étoffe :
Au fil des ans, l’enfant devenu adulte
Avance, se blesse, tombe, se relève,
Et tire expérience de son parcours. 

Elle joue l’illusion :
Un matin, il se réveille, surpris :
Déjà tant de chemin parcouru !
Premier bilan, questions existentielles… 

Elle devient fuyante :
Si demain était le dernier jour ?
Mais peur aussi de regarder en arrière
Par crainte de l’avoir gaspillée… 

Elle s’effiloche :
Se pare de nostalgie et de mélancolie.
La vieillesse est déjà là et sonne l’épilogue.
Pourtant il reste tant à apprendre ! 

Elle se fait à nouveau craintive :
Elle s’efface, laisse la place peu à peu
En saupoudrant sur son passage
Le voile de sa sagesse, seule vraie richesse.

Vague solitude

Pages blanches de mots et de couleurs,
Écrites à l’encre invisible des souvenirs,
Pages muettes pourtant chargées d’émotions,
Sa mémoire vacillante veut tout oublier.

Elle a marché longuement et sans but
Jusqu’à percevoir le bruit de la mer.
Au-delà des dunes, elle l’a découverte,
Entremêlant ses gris avec ceux du ciel.

Son souffle régulier invitait à le suivre.
Elle s’est alors hasardée jusqu’à la plage
Pour écouter une dernière fois
L’histoire indécise de son existence.

Allongée sur le sable devenu froid,
Elle s’est lovée sur elle-même,
Entourant son corps de ses bras
Pour se bercer au rythme des vagues.

Rien ni personne n’aurait pu la rejoindre,
Les yeux clos pour oublier même sa présence,
Le murmure du ressac l’a emmenée.
Son cœur peu à peu s’est apaisé.

Le chuchotement de l’eau l’a recouverte
Tandis que son corps se fondait dans le sable,
Ne laissant qu’une empreinte incertaine.
Si vous passez par là, regardez bien…

L’universalité de la femme

S’il m’était donné de parler à son endroit,
Je choisirais volontiers la forme poétique :
Les audaces de ses courbes sont esthétiques
Et son cœur généreux se joue des maladroits.

Capable de redécouvrir ses sentiments
Pour mieux écrire la réalité du monde,
Son intuition arborée en écharpe sonde
Cet obscur pouvoir intérieur subtilement.

Elle a osé s’emparer du fruit défendu
Pour offrir à ses descendances éperdues
La connaissance qui entretiendra la flamme.

Énigmatique par sa nature duelle,
Adulée, violentée ou objet sexuel,
Ainsi s’écoule la destinée de la Femme.

Du souffle sous la plume…

Rondel (octosyllabes – A1/B2/B/A – A/B/A1/B2 – A/B/B/A/A1)

Douce effluence colorée,
Le vent a soufflé sur ma plume,
Effacé en moi toute brume,
Et l’inspiration effleuré.

Pétales de mots bigarrés,
Qu’un bouquet de phrases résume,
Douce effluence colorée,
Le vent a soufflé sur ma plume.

Envolée des rimes dorées
Que mon écriture allume,
En écho au parfum d’écume,
Un poème enfin arboré,
Douce effluence colorée.