Message prioritaire

Poésie libérée

 

J’ai capturé une volée de mots :
Ils devisaient au bord du dictionnaire.
Etonnés de ma présence soudaine,
Tout refuge dans les pages fut illusoire.

Se croyant aux mains d’un négligent inculte,
Affolés, ils laissaient échapper leurs lettres.
Les barres des « t » basculaient dans le vide,
Les accents s’envolaient et les jambages cassaient.

N’ayez pas peur, mes amis ! m’exclamai-je.
Reprenez-vous et venez autour de moi.
Un peu rassurés, ils se regroupèrent enfin
Pour écrire : Que nous veux-tu ?

Les mots sont de grands craintifs :
Toujours à redouter un détournement de leur sens,
A s’inquiéter d’être incompris, méconnus,
De perdre en précision ou en nuance.

Pour les mettre en confiance,
Je sortis une feuille blanche chatoyante,
Une plume assoiffée d’encre bleue,
Avide de caresser le papier impatient.

Alors, ils vinrent s’organiser sur la page,
Se regroupant par famille, par idée.
Certains possédaient plusieurs sens,
D’autres, un sens figuré, seconde identité.

Comme ils étaient plutôt chamailleurs,
Ils firent appel à la ponctuation
Pour éviter toute cacophonie.
Je louai leurs bonnes intentions.

Bientôt, je fus à même de lire leur message.
Composé de termes élégants et ciselés,
Il nous invitait à prendre soin d’eux,
A ne pas les galvauder contre « franglais » et smileys.

 

Métamorphose

Poésie libérée

Il défait son œuvre dans le plus grand secret,
Petite chenille jadis conçue par lui.
Avec exigence, passant inaperçu,
L’accoucheur de papillons se met au travail.

Un miracle inlassablement renouvelé
Inexplicable et toujours immuable,
Qui s’entoure de silence et de mystère.
L’accoucheur de papillons procède avec soin.

Rien n’est laissé au hasard cependant,
Tout s’accomplit avec méthode
En suivant le métronome du temps.
L’accoucheur de papillons compose, délicat.

Impossible de deviner ce qui se trame
Dans le cocon de soie opaque en mutation.
Il ne livre aucun son, aucun mouvement.
L’accoucheur de papillons a terminé, il s’arrête.

Un jour enfin, un frisson se dessine.
L’insecte a oublié le corps qui était le sien,
Pour émerger dans une vie éphémère de couleurs.
L’accoucheur de papillons observe…

Ailes chiffonnées, le machaon s’en remet à la brise.
Il sèche sa voilure chamarrée à l’air tiède,
S’envole, ivre de liberté, vers sa folle aventure.
L’accoucheur de papillons sourit…

Quelques bribes de soie restent encore là,
Preuves de la métamorphose accomplie.
Mais déjà il doit se remettre au travail,
L’accoucheur de papillons est attendu plus loin…