Deux sonnets écrits autour d’un même thème, mais avec un registre de langage différent.
Sonnet pour chien précieux
Invraisemblable ! Il est parti ce matin
Sans un regard pour moi, d’un pas précipité.
Depuis, l’angoisse dilue sa toxicité,
Privé de raison d’être, je suis un pantin.
Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de satin
Me promettaient à jamais sa fidélité.
En plein bonheur, je manquai de lucidité,
Préférant garder son amour comme un butin.
En vain l’horloge pousse le temps qui s’étire…
Une vérité commence à m’anéantir,
Elle lacère mon univers où tout bouge.
Je sais maintenant l’existence d’un rival…
Muet, sans puce, aux courbes d’un bel ovale,
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…
Sonnet pour un cabot
Je pige plus rien ! Il s’est barré ce matin
Sans me donner mon os, d’un pas précipité.
Depuis, je ne trouve pas ma tranquillité,
Me serais-je montré un peu trop cabotin ?
Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de crétin
Me promettaient croquettes jusqu’à satiété.
Crédule, je vivais dans la docilité,
Doucement conforté par son baratin.
Soudain la vérité aveuglante me terrasse,
Tel un Saint-Bernard s’abattant sur ma carcasse,
Lorsque j’aperçois un bocal où rien ne bouge.
Je me résigne alors, moi le chien–chien fidèle,
Pars bouder dans mon panier tenir la chandelle :
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…