Rosée

Sonnet
La nuit a déposé ses larmes de rosée…

La nuit a déposé ses larmes de rosée
Sur les bourgeons naissants avides de s’ouvrir.
Avec grande douceur, je laisse un doigt saisir
Une de ces gouttes joliment disposées.

Je me désaltère de la vie déposée
Avec parcimonie, ressens bientôt surgir
Une fougue ardente jusqu’à m’en étourdir.
Se peut-il que cette eau m’ait métamorphosée ?

Preuves éphémères des brefs sanglots du ciel,
Perles fugaces au goût confidentiel
Vous êtes captives de l’écrin de l’aurore.

Vous semblez murmurer dans un dernier frisson
Un message d’espoir écrit d’encre incolore,
Tandis que le soleil tarit cette moisson.

Dans le doute

Pourquoi ce mutisme ? Ma plume, tu me brimes…

Pourquoi ce mutisme ? Ma plume, tu me brimes…
Cesse de m’ignorer ; sur le papier chagrin,
Tel un brouillard d’hiver muselant mon jardin,
Déchire la brume, pour que l’émoi m’anime !

A tenter de cueillir prudemment chaque rime,
Son parfum m’échappe, évanescent butin.
L’angoisse m’étouffe, proclame mon déclin
Qui assèche mes mots, les jette dans l’abîme.

Je taraude mes sens pour saisir et coucher
La moindre intuition qui pourrait me toucher.
Je m’abreuve de vers, me nourrit de leur rythme.

Mais je suis dédaigné par l’inspiration.
Elle se joue de moi, se transforme en énigme.
J’ai perdu mon défi : créer l’émotion.

La maison orpheline

 

Tout dans cette maison me parle de silence,
Ecoute cependant ma mémoire frémir.
De la marque du temps, je ressens le soupir,
Les souvenirs affluent, nacrés d’opalescence.
Le parfum d’une vie souffle la confidence ;
Tapi dans une armoire il persiste à fleurir,
Ce goût d’un autrefois qui se laisse saisir,
Dont la magie influe, telle la providence.
Ecrits au sépia d’un calame discret,
Mes états d’âme créent un entrelacs secret,
Exacerbent sans fin un émoi péremptoire.
Il me plaît de rêver, toi, lieu déshabité,
Que vienne te nourrir une nouvelle histoire :
Le roman d’un amour à jamais abrité.

L’entre-temps

Sonnet

Elle s’est immiscée, dans un soupir fluet,
Discrètement, d’une démarche subreptice,
Elle s’est glissée dans un infime interstice,
Insoupçonnable, imperceptible, muet.

Entre les strates de sa vie qui s’arrêtait,
Au bout de tout ce temps qui perdait sa texture,
Se dévoilait ce passage, une ouverture,
Une transition pour elle qui hésitait.

Comment se délier, comment lâcher la main,
Ultime épreuve au caractère surhumain.
Elle quémande un infime fragment de temps.

Ouvrez votre cœur à son murmure irréel,
Cultivez ce parfum qui partout se décèle.
Ecoutez bien : elle se tient dans l’entre-temps.

Le coquelicot

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2019

Le coquelicot

ABBA / ABBA / CCD / EED

Caressé par le vent, je suis né ce matin.
Le champ éclaboussé d’un or rouge garance
Foudroie de verdure chargée d’exubérance
Les soubresauts de l’hiver, tel un piètre pantin.

Un à un s’étirent mes pétales satin.
D’un vibrato moiré, le soleil les défroisse,
Darde ses chauds rayons pour que sa chaleur croisse.
Sa brûlure pourtant va sceller mon destin.

Le temps ironise sur ma fougue improbable,
Mon ardeur obstinée, cependant vulnérable ;
Car je ne peux cacher cette fragilité.

Déjà faiblit ma vie, altérée par la brise.
Son souffle desséchant suinte d’aridité.
Tombent mes fruits amers, dans mon champ j’agonise.

Fleur sauvage

Sonnet

Caressé par le vent, je suis né ce matin.
Le champ qui m’abrite, éclaboussé aussitôt
D’or rouge flamboyant, foudroie de son veto
Le dernier assaut de l’hiver, piètre pantin.

Un à un s’étirent mes pétales satin.
Le soleil les défroisse dans un vibrato,
Transcende l’éclat de ce muet staccato
Tandis que sa brûlure scelle mon destin.

Livré ainsi dans toute ma fragilité,
Je ne peux cacher ma vulnérabilité ;
Le temps se moque de mon ardeur éphémère.

Déjà s’amenuise la vie, celle-là même
Que le printemps dans son souffle généreux sème ;
Dénudé par le vent, tombent mes fruits amers.

Pour toi qui te reconnaîtras…

Sonnet (Alexandrins, 2 quatrains, 2 tercets)

Embarquée comme Ulysse pour un long voyage,
De la vie fugace, j’en suis le fil ténu.
Inquiète mais attirée par l’inconnu,
À chaque ailleurs, mon navire a fait mouillage.

De ce parcours initiatique sans naufrage
Débarrassée de mes idéaux d’ingénue
Je pense néanmoins en être revenue,
Par l’amour et l’espoir poussée dans mon sillage.

Me voici enfin de retour à mes racines,
Je m’abandonne à cette vie qui me fascine
Désormais réconciliée avec moi-même.

Des entraves, j’ai appris à me libérer
Tu m’as appris le pouvoir de persévérer.
Je dédie à l’amour de ma vie  ce poème.

Jalousie

Deux sonnets écrits autour d’un même thème, mais avec un registre de langage différent.

Sonnet pour chien précieux

Invraisemblable ! Il est parti ce matin
Sans un regard pour moi, d’un pas précipité.
Depuis, l’angoisse dilue sa toxicité,
Privé de raison d’être, je suis un pantin.

Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de satin
Me promettaient à jamais sa fidélité.
En plein bonheur, je manquai de lucidité,
Préférant garder son amour comme un butin.

En vain l’horloge pousse le temps qui s’étire…
Une vérité commence à m’anéantir,
Elle lacère mon univers où tout bouge.

Je sais maintenant l’existence d’un rival…
Muet, sans puce, aux courbes d’un bel ovale,
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…


Sonnet pour un cabot

Je pige plus rien ! Il s’est barré ce matin
Sans me donner mon os, d’un pas précipité.
Depuis, je ne trouve pas ma tranquillité,
Me serais-je montré un peu trop cabotin ?

Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de crétin
Me promettaient croquettes jusqu’à satiété.
Crédule, je vivais dans la docilité,
Doucement conforté par son baratin.

Soudain la vérité aveuglante me terrasse,
Tel un Saint-Bernard s’abattant sur ma carcasse,
Lorsque j’aperçois un bocal où rien ne bouge.

Je me résigne alors, moi le chienchien fidèle,
Pars bouder dans mon panier tenir la chandelle :
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…

L’universalité de la femme

S’il m’était donné de parler à son endroit,
Je choisirais volontiers la forme poétique :
Les audaces de ses courbes sont esthétiques
Et son cœur généreux se joue des maladroits.

Capable de redécouvrir ses sentiments
Pour mieux écrire la réalité du monde,
Son intuition arborée en écharpe sonde
Cet obscur pouvoir intérieur subtilement.

Elle a osé s’emparer du fruit défendu
Pour offrir à ses descendances éperdues
La connaissance qui entretiendra la flamme.

Énigmatique par sa nature duelle,
Adulée, violentée ou objet sexuel,
Ainsi s’écoule la destinée de la Femme.