Faiblesse et volonté

L’existence répand à tout vent des naufrages.
Son souffle administre bonheurs comme tourments.
Nul ne peut songer échapper à ses orages,
Ils laissent derrière eux un gouffre d’errements.

Tapi en silence, chacun se barricade :
Le malheur pétrifie, comment le surmonter ?
Même celui d’autrui pousse à la dérobade,
Par peur d’être souillé, de devoir l’affronter.

Aujourd’hui cependant, il se tient à ma porte,
Son visage à l’abri d’un boniment sournois.
Je défaille, meurtri d’attaques en cohorte,
Flèches de désarroi tirées de son carquois.

Dans son acharnement, il a jeté la force
D’une vague de fond, ce laminoir puissant.
Il me laisse exsangue de son baiser atroce,
Encore en vie pourtant, miracle étourdissant.

Sors de cette gangue ! crie mon âme en détresse.
Stupide gageure ! réfute ma raison.
Ce dilemme muet exhale sa caresse,
Onde vénéneuse au redoutable poison.

Mes amis m’arrachent de ma piètre posture,
M’offrent du miel goûteux, un rayon de douceur.
Ils ravivent ce feu dispersant la froidure,
Me poussent gentiment à chasser ma torpeur.

Je me redresse alors, droit dans ma plénitude,
Les yeux levés au ciel pour le prendre à témoin :
Ce cadeau altruiste demande gratitude,
Le transmettre à mon tour à ceux dans le besoin.

Quoi de plus généreux : relayer sa sagesse,
Dispenser sa chaleur à celui qui a froid…
Procurer courage, quand la douleur oppresse,
Recevoir et donner, ainsi je le conçois.

Le coquelicot

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2019

Le coquelicot

ABBA / ABBA / CCD / EED

Caressé par le vent, je suis né ce matin.
Le champ éclaboussé d’un or rouge garance
Foudroie de verdure chargée d’exubérance
Les soubresauts de l’hiver, tel un piètre pantin.

Un à un s’étirent mes pétales satin.
D’un vibrato moiré, le soleil les défroisse,
Darde ses chauds rayons pour que sa chaleur croisse.
Sa brûlure pourtant va sceller mon destin.

Le temps ironise sur ma fougue improbable,
Mon ardeur obstinée, cependant vulnérable ;
Car je ne peux cacher cette fragilité.

Déjà faiblit ma vie, altérée par la brise.
Son souffle desséchant suinte d’aridité.
Tombent mes fruits amers, dans mon champ j’agonise.

J’écris ton nom

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’écris ton nom, les yeux confiants vers le ciel.
Sur le givre de dentelle je l’incruste,
Aux ailes brumeuses du vent je le lie,
En lettres de rosée je le sculpte.

Je colore ton nom aux pastels d’automne.
À la palette de l’arc-en-ciel je le confie,
Aux nuages rêveurs je l’accroche,
Au sel éthéré de la vie je l’associe.

Je lance ton nom au-delà de l’Univers.
Du parfum des étoiles, je l’irise,
De la brûlure du Soleil je le protège,
Du vertige de l’immensité, je le drape.

Car c’est bien de toi qu’il s’agit, l’Éternité,
Toi qui m’apparais dans tout ce qui vit,
Promesse ténue mais miraculeuse,
Source d’espoir et d’infinitude.

Je te regarde pleinement rassurée,
Mais à peine ai-je entrevu ton image
Que ton nom de poussière s’évanouit
Dans le noir sidéral du vide absolu.

Je crie désespérément ton nom, l’Éternité !
Pour avoir osé croire à ton existence,
Je me suis projetée dans une illusion
Qui a duré le temps infime d’une vie.

Les vents m’ont dit

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’ai entrouvert ma porte en entendant le vent…
Il m’appelait ; je suis allée à ses devants.
« Va donc chercher dans ton magasin d’écriture
Les mots que j’ai à te dire sans fioriture. »

Ses remous se sont enroulés autour de moi,
Son souffle incessant a sifflé sur mes émois.
C’est dans mon âme qu’a retenti son message :
« Tous les chemins ne sont qu’un long apprentissage… »

Devant mon étonnement, il a ajouté :
« Écoute les battements du temps tourmenté.
Ce métronome implacable rythme ta vie,
Invite au voyage, mais cesse sans avis. »

Bien plus haut, dans le ciel, courait le zéphyr vivant.
Tourbillonnant, son manège était captivant.
Il se prit à tournoyer et sur un buisson,
Déposa son soupir léger en un frisson.

«Sois créative, reste assoiffée de savoirs,
Émotion et raison peuvent se concevoir.
Conjugue simplement comprendre et ressentir
Laisse ta vraie nature parler, pressentir. »

Tant de profondeur dans ces beaux enseignements !
Comment les pratiquer, les vivre pleinement ?
Je n’en mesurais que trop la difficulté…
Les vents m’ont dit alors : « Tu as l’Éternité… »

Plaidoyer pour une poésie libérée

Mention concours Arts et Lettres de France – Bordeaux – 2018
Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2019

Renverse la dictature de la prosodie,
Fais fi des règles de versification,
Des répétitions, de la métrique !
Quitte au plus tôt cet étouffant conformisme !

Lâche-toi ouvertement dans ton écriture !
Adopte, pourquoi pas, la désinvolture…
Oublie d’ores et déjà les rigueurs des sonnets,
Débusque immédiatement ta créativité bridée !

Joue-toi clairement de la contrainte des rimes,
Recherche l’inspiration des cimes tout là-haut.
Invente à profusion des mots qui collent à la réalité,
Adopte un esprit profondément novateur !

Ose, pour une fois, te défouler, t’envoler !
Mais n’oublie jamais d’en vérifier la musicalité…
Laisse-la éclabousser tes textes de son écume,
Libère enfin ta plume jusqu’alors muselée !

La forêt d’ombre d’où personne ne revient

Concours de poésie Frontignan – 2018

J’ai osé entrer dans cette forêt d’ombre,
Une forêt dont nul n’est jamais revenu.
L’appel de l’obscur retentit encore en moi,
Incantation lointaine, fascinante et angoissante.
Quand soudain s’élève la tempête,
Je me sens hypnotisée par la peur suscitée,
Totalement prisonnière de sa puissance.
Des gémissements montent dans les aigus :
C’est le vent qui joue sa furieuse partition.
C’est aussi lui qui se jette à l’assaut du ciel
Afin d’écrire les notes manquantes.
Sa symphonie glaciale est dévastatrice,
Sa musique ricane, semble étouffer la vie
Dans un hideux feulement de fin de monde.
Je suis prise au piège, perdue corps et âme…
À quoi bon lutter ? Autant lâcher prise.
Du plus profond de mon être monte
un hurlement.
Tête en arrière, visage giflé par les éléments,
Mon cri s’élève, chevauche le vent,
S’enroule de son panache, court au-delà des cimes.
Je fais corps avec lui, abandonne mes peurs.
Il nettoie mon âme, souffle pour en apaiser les brûlures.
Probablement suis-je en train de côtoyer
la folie,
Je ne m’appartiens plus, je ne suis plus
moi-même.
J’expire dans un ultime souffle toutes
mes douleurs.
Subitement s’impose un silence éclatant.
Je gis dans une clairière emplie de paysages nouveaux :
Je venais de faire le vide, éliminer tout ce qui encombrait ma vie.
J’avais déposé mes fardeaux.
Une « re-naissance ».
J’étais revenue de la forêt d’ombre.

Voyage amoureux

Concours de littérature Regards – Moutiers Les Mauxfaits – 2018

Dans la soie bleutée de cette nuit, je conspire,
Allongée nue auprès de toi qui me respires.
Mes désirs s’organisent, un plan s’échafaude,
Pas de sursis pour cette envie qui me taraude.

Ta main, en bonne ambassadrice de tes sens,
Se saisit de ma nuque et ainsi me devance. 
Quand, sur mes épaules, elle fait sourdre un frisson,
J’entrevois le brasier vers lequel nous glissons.

Tes doigts sur mon dos cachent mal ton impatience,
L’écho de leur passage bride ma méfiance.
Ils se laissent échouer dans le creux de mes reins,
Le temps d’un frêle soupir faussement serein.

Ta main se fait plus chaude, elle m’électrise,
Pique ma sensualité, me magnétise.
Elle irradie jusque dans mon ventre palpitant,
Déjà gagné à tes arguments percutants.

Tu remontes ensuite le galbe de mes fesses,
La paume de tes mains les étreint et les caresse.
Ma fébrilité me consume entièrement,
Je veux t’accueillir plus que tout en ce moment.

Facétieux, tu décides de temporiser,
De me faire languir, toi, mon amant rusé…
Tu effleures trop vite mon intimité,
Ignorant d’un sourire ce jardin fruité.

Tu as trop joué ou pas assez avec moi :
Je laisse parler mon appétit en émoi.
Te voilà maintenant pris à ton propre piège,
Car je me saisis de toi, entreprends ton siège.

J’aime ces retournements de situation,
Pouvoir imposer ma propre ponctuation.
Sur cette Carte du Tendre où nous avançons,
Le raffinement en amour est notre moisson.

Dans la soie de cette nuit bleutée, tu conspires,
Allongé nu auprès de moi qui te respire.
Mélange sensuel de nos désirs légers,
D’amour en ivresse, nous avons voyagé.

Moi, le greffier

Concours Jules Laforgue – Aureilhan – 2017

Voilà trois jours que je la mate… Elle est là…
Repérée au deuxième étage, ma Lila.
C’est son petit nom. Il tourne en rond dans ma tête.
Comme elle d’ailleurs. Dans mon crâne, la tempête.

Elle s’est installée dans le quartier récemment.
Impossible d’échapper au recensement
Qu’avaient entrepris mes loubards deux mois avant :
Le « Kid » évincé, je suis le chef maintenant.

À ce titre, que personne n’approche d’elle !
Je le dégomme et le transforme en mortadelle !
Elle m’attend, c’est sûr, sera bientôt pour moi.
Je ne cèderai jamais ce joli minois.

Sa souplesse féline pleine d’assurance
À coup sûr ne rencontre aucune concurrence.
Croiser ses yeux turquoise me fait chavirer.
Faut pas la laisser partir, je vais carburer !

J’ai passé du temps à soigner mon apparence,
Lissé ma moustache, coupé les poils trop denses.
Dans le rétro de la bagnole désossée,
Je parie sur un profil : le moins cabossé.

Qui prétend que je frime ? Cassez-vous, les mecs !
Pauvres charlots, vous ne valez pas un kopeck !
Surtout, perdez pas de vue, je vous le conseille :
C’est moi Kéké, dit le Tatoué de l’Oreille…

Nonchalamment posté sur l’escalier,
Je plante là pour l’alpaguer, sans rouscailler.
Elle sort ! Je voulais dire quoi ? J’improvise…
Salut minette, ô toi, ma belle promise…

Pour le moment, son regard reste inexpressif.
Je balance, d’un ton plutôt persuasif :
Ça te brancherait, ce soir, un restau sushi
Là, dans le local à poubelles, sans chichi ?

Mais voilà, je me prends une énorme châtaigne
Moi, le matador de comptoir, une vraie teigne.
Elle me regarde avec hauteur et dédain,
Affublée d’un jeunot de l’année, un crétin !

Il se dandine sur ses griffes prédatrices,
Sa pelisse sans couture ni cicatrice.
Il me nargue d’une étincelante denture…
Moi, le Greffier, humilié par cet’ miniature !

Le rendez-vous

Concours poésie Palavas – 2018

Nouvelle récompensée avec le 2eme prix au concours national de BALLADE PHILOSOPHIQUE SUR LES RIVAGES PALAVASIENS

Vingt minutes à attendre… Elle se félicite intérieurement d’être arrivée en avance : réajuster promptement ses vêtements, vérifier sa coiffure, calmer son cœur. Réfléchir aux premiers mots à prononcer, au premier sujet de conversation à aborder. Rien ne doit être fait dans la précipitation. Rien ne doit être laissé au hasard.

Accepter ce premier rendez-vous ! Comment en a-t-elle été capable ? Un premier « oui » : un premier pas vers cet inconnu. Il visite ses nuits. Elle sent déjà poindre un sourd désir. La porte de l’espoir qui s’entrouvre. Une audace qui voit s’enflammer sa confiance en elle-même.

Un coup d’œil rapide à sa montre : un quart d’heure à patienter. Sentiment du temps qui ralentit malicieusement. Accélération du cœur. Observation de son reflet dans la vitrine du magasin. Cette mèche de cheveux rebelle. Elle aurait dû la couper. Ce détail la perturbe. Elle repense à sa longue et minutieuse préparation. Optimiser ses chances de séduction… Choix compliqués, dilemmes superficiels pourtant si primordiaux à ses yeux.

Encore dix minutes. L’excitation qui s’amplifie. Elle ne tient plus en place. Surtout, rester naturelle, ne pas dévoiler sa nervosité. Laisser croire à de l’assurance. Sans excès cependant. Trouver la juste attitude. Regards furtifs autour d’elle. Supputations, hypothèses… Est-ce lui, là-bas, qui semble chercher quelqu’un ? Cet homme athlétique s’avançant d’un pas hésitant ? Cet autre, assis sur ce banc depuis quelques instants ? Peut-être ne l’a-t-il pas remarquée et repartira-t-il sans lui avoir parlé ? Affolement du cœur.

Cinq minutes ! Quelle torture ! Supplice interminable… L’homme qui attendait vient d’être rejoint par une jeune femme. Déception. Le temps se rit de son attente. De son insoutenable attente. S’efforcer de penser à autre chose pour tromper cet ennemi. Son émoi va grandissant. Soudain, des pas derrière elle ! Ils s’approchent, pressés. Son cœur va exploser ! Ses jambes vacillent. Il est là, c’est certain ! Confus, bien sûr, de son retard. Vite, afficher le sourire répété inlassablement devant son miroir ! L’excuser avec un petit rire qui ne saura cacher ni sa nervosité ni son soulagement. Mais l’homme passe sans s’arrêter. Il poursuit son footing, indifférent à cette femme soudain éperdue.

L’heure du rendez-vous est maintenant dépassée. De deux minutes. Accélération du temps, subitement. Cinq minutes se sont déjà écoulées. Regards éplorés d’un côté, de l’autre. Refuser l’évidence. Imaginer, supposer : un ralentissement dans les transports, une panne de véhicule… Dix minutes. Il va surgir, elle y croit encore, bien qu’en son for intérieur, une autre vérité s’insinue et libère son venin. Vérifier sur ses sms l’heure du rendez-vous ! Elle s’est trompée, évidemment ! Peut-être même de jour ! Quelle idiote ! La voilà rassurée… jusqu’à ce que le sms la détrompe et ruine définitivement ses espoirs.

Ses jambes vacillent toujours, mais de désarroi cette fois. Epaules qui s’affaissent, maquillage qui coule sous ses larmes amères. Elle se trouve vieille, laide. Sa tenue vestimentaire ridicule. Se reproche sa crédulité, voire, sa naïveté. Elle avait pourtant mis toutes les chances de son côté pour connaître enfin la chaleur de l’amour, la douceur de la tendresse. Sa désillusion est immense, elle chute dans un abîme insondable et noir. Elle voudrait que, de battre, son cœur s’arrête.