Textes à contraintes

1ère contrainte :
Prendre une photo dans sa tête d’un lieu réel ou imaginaire et le décrire sans utiliser le « je » ni de personnage.

Elle se dresse dans toute sa force, de toute sa hauteur. Elle se laisse parcourir et accepte de se dévoiler. Sa paroi raconte les combats et les souffrances, les victoires et les échecs. Ses couleurs repoussent autant qu’elles attirent.
Elle se dresse comme un défi, une incitation à la dominer, une invitation au dépassement.


2e contrainte :
J’appuie sur un «bouton» et le son arrive…

Le vent s’engouffre comme un torrent impétueux dans ses couloirs, siffle en rebondissant sur ses escarpements, se fait l’écho de plaintes oubliées. Une chute de pierres arrache un cri à la montagne en raflant tout sur son passage.


3e contrainte :
Qu’est-ce que ça sent ?

Aussitôt surgit une odeur de soufre. Puis celle du froid qui reprend son avantage. L’air semble d’une texture particulière. Il est imprégné de ce monde minéral.


4e contrainte :
J’apparais dans la photo. Je parle de moi en disant « Tu ».

Tu es perdu dans cette paroi dont tu ne vois pas le sommet, aussi haut que portent tes yeux. Ton regard se laisse aspirer par le vide effrayant qui file sous tes pieds. Tu te plaques contre la paroi pour te raccrocher à l’espoir d’en sortir.


5e contrainte :
Terminer par un paragraphe commençant par : « En ton for intérieur… »

En ton for intérieur, tu sais que tout se joue maintenant, que tu peux choisir entre chuter ou grimper, entre vivre ou mourir. Tu tiens ton destin au bout de tes doigts, au bout de tes pieds. Qui de la montagne ou de toi gagnera la partie ? Tu te rappelles les autres combats menés sur d’autres parois, mais tu sais que celui-ci est sans commune mesure. Tu te lances. Un pas de fait… À quoi tient la vie ?


 

Rouge

Emilie peint… Une envie comme ça de rebaptiser l’appartement de nouvelles couleurs. Marre des tons ternes, un peu de gaieté pour chasser l’hiver tout gris qui voulait, de force, rentrer.
Paul est en déplacement, et c’est pour cela qu’elle a tout son temps. En plus, Monsieur aurait certainement fait la grimace devant cette couleur vive, un beau rouge sang qu’elle a choisi exprès. Elle a déjà peint deux murs de la salle de bains, une si petite pièce, elle en aurait vite fait le tour.
Une fois les quatre murs peinturlurés, elle s’inquiète un peu quand même, c’est tellement éclatant, ça rétrécit la pièce, ce n’est pas si joli… ben oui, c’est vraiment rouge ! Et le problème, c’est qu’elle a trop commandé de pots, il va lui en rester un tas “sur les bras…” Ils s’entassent dans le couloir et où les ranger ? L’appartement est si petit… Un minuscule salon, la cuisine mouchoir de poche, une petite chambre et même pas un débarras. Et les quelques placards sont pleins à craquer… Bon, elle allait repeindre les toilettes : les murs, le plafond, ça fera toujours un pot en moins. Et puis avec la deuxième couche, ça devrait aller, se dit-elle…

Consigne : inventer la suite de l’histoire ci-dessus…

Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle ne dispose que de peu de temps, Paul rentre demain soir.
Le temps passe vite. L’étroitesse des toilettes complique la tâche qu’elle pensait voir se réaliser en deux coups de pinceau. Quelle heure est-il ? Un regard à sa montre : le cadran a disparu sous les éclaboussures de peinture. Un geste d’énervement et… Catastrophe ! Le pot se renverse dans les WC ! Vite, tirer la chasse d’eau ! Mais l’eau n’arrive pas à diluer cette substance pâteuse qui rejaillit partout ! (Un véritable geyser, je ne vous conseille pas d’essayer…)
Parvenue au séjour, c’est pour constater à l’horloge murale qu’il est trop tard pour son cours de danse, l’heure est largement dépassée… Oh non !!! Cette parenthèse dans la semaine, ou plutôt dans sa vie lui est nécessaire! Indispensable ! Elle revit, comprenez bien, se sent libre, redevient féminine. Non : redevient femme sous les yeux et les mains des danseurs qui la guident avec légèreté et souplesse, admiratifs des courbes de son corps faites pour la danse. Paul n’a jamais pu accepter cette passion. Il a systématiquement refusé de l’accompagner, fut-ce une seule fois.
D’ailleurs, que partagent-ils désormais ? Toujours en déplacement en semaine, féru de foot le week-end et des troisièmes mi-temps… Les repas ? La télévision a définitivement fermé la porte au dialogue. Les nuits ? Inutile d’ouvrir le chapitre. Il est clos depuis longtemps.
En vérité, il ne la voit même plus, il ignore sa présence. Elle est devenue une intendante, pire : un meuble ! Elle se regarde dans le miroir. Soudain prise de vertiges. C’est l’odeur de la peinture, pense-t-elle. Ou alors l’odeur de la lib… Le rouge devient rose, s’associe avec du jaune, du bleu… Un arc-en-ciel déchire son propre ciel. Elle ouvre alors les yeux. La rage s’empare d’elle, une rage froide. C’est décidé.
Le lendemain soir…
Paul rentre de son déplacement hebdomadaire, ouvre la porte de son appartement. Pas traînant, œil morne, cheveu mou.
Au milieu du séjour se tient Emilie, debout, peinte en rouge de la tête aux pieds. Un écriteau est accroché autour de son cou où Paul peut lire : « Est-ce que tu me vois maintenant ? » Devant son air ahuri, elle s’écrie : « Je me casse ! Adieu ! ».
Ainsi commença la vie d’Emilie, après de nombreuses années d’amertume et de frustration accumulées et… une douche décapante.