Vieillir

Rondel (Octosyllabique – A1/B2/B/A – A/B/A1/B2 – A/B/B/A/A1)

Elle est tout-à-fait indolore,
Surprend au détour d’une nuit,
S’affiche peu à peu sans bruit,
Griffe mais aussi décolore.

C’est la vieillesse qui, dès lors
Vous agrippe et tout déconstruit,
Elle est tout-à-fait indolore,
Surprend au détour d’une nuit.

Encore épargné jusqu’alors,
Désormais elle vous poursuit,
Sûrement elle vous conduit
Ailleurs où rien ne peut éclore
Elle est tout-à-fait indolore.

Nouvelle année

J’ai envie de vous dire à tous “Bonne année” mais ce serait se voiler la face : chacun sait qu’elle sera ponctuée de difficultés, d’épreuves dans le pire des cas. Rien dans ce bas monde ne s’écoule avec fluidité et sans heurts…
Alors je pourrais vous souhaiter une année meilleure que la précédente. Peu de risque à formuler un tel vœu… Mais… que signifie “meilleure” ? À quel niveau se situe cette notion-là ? Sur quels critères pourrais-je décider que la nouvelle année fût meilleure que celle évincée ? Des critères quantitatifs, qualitatifs, certes, mais lesquels ? Réponse on ne peut plus subjective car chacun place le curseur à des niveaux de priorités différents. La vérité est multiple…
Par ailleurs, le bruit court que les écueils constituent autant de passages obligés : s’enrichir ainsi sur le plan personnel, mais aussi prendre le recul nécessaire pour comprendre la Vie et le sens de notre existence. Gagner peut-être en sagesse ? Transmettre, (pourquoi pas ?) à qui veut bien l’entendre, ce que nous aurons appris ? Non, ce genre d’héritage n’existe pas, car rien ne s’apprend en dehors de toute expérience, quelle qu’elle soit.
Mais qu’entend-on par sagesse ? Elle n’exclut pas un brin de folie, d’excentricité, de révolte. Elle marche main dans la main avec la liberté.
Bon… Vous l’aurez compris, je me suis perdue dans mes réflexions… Ce qui devait être rédigé brièvement prend des allures de pavé. Une chose est certaine, c’est que je n’ai pas gagné en concision depuis hier. Normal : le temps n’existe pas, c’est une invention de l’Homme.
Mais stop ! J’arrête là, car je m’égare de plus en plus et il est fort probable autant que compréhensible que vous ayez décroché depuis longtemps…
Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, je vous souhaite d’être aimé et d’aimer. Car l’amour est le moteur de la vie. Sans amour, on n’est rien, on n’a aucun espoir. C’est pour lui et grâce à lui que bat notre cœur, il coule dans nos veines. C’est le piment de nos jours, le soleil dans nos yeux, la confiance dans l’avenir. Par opposition à certaines vérités qui ne le sont qu’observées sous certains angles, l’amour est une vérité, universelle, intemporelle et qui ne peut être remise en question.
Alors, c’est vraiment ce que je vous souhaite : donner de l’amour et en recevoir.


 

Les mots à vif

Elle a les mots à vif, les mots à fleur de peau,
Le souffle erratique, étouffé de sa détresse,
Le cœur en déluge, noyé de désarroi,
L’espoir déchiré, ravagé de tristesse.

Elle avance dans le noir, son cœur plein de nuit,
L’âme couverte de bleus à buter sans cesse
Contre ses frayeurs qui froidement la submergent,
En distillant panique et attaques sournoises.

Elle voudrait s’épancher, exprimer enfin
Ce qu’elle ressent mais les phrases lui échappent,
Se vident soudain de leur substance et pourtant…
Elle a les mots à fleur de peau, les mots à vif.

J’écris ton nom

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’écris ton nom, les yeux confiants vers le ciel.
Sur le givre de dentelle je l’incruste,
Aux ailes brumeuses du vent je le lie,
En lettres de rosée je le sculpte.

Je colore ton nom aux pastels d’automne.
À la palette de l’arc-en-ciel je le confie,
Aux nuages rêveurs je l’accroche,
Au sel éthéré de la vie je l’associe.

Je lance ton nom au-delà de l’Univers.
Du parfum des étoiles, je l’irise,
De la brûlure du Soleil je le protège,
Du vertige de l’immensité, je le drape.

Car c’est bien de toi qu’il s’agit, l’Éternité,
Toi qui m’apparais dans tout ce qui vit,
Promesse ténue mais miraculeuse,
Source d’espoir et d’infinitude.

Je te regarde pleinement rassurée,
Mais à peine ai-je entrevu ton image
Que ton nom de poussière s’évanouit
Dans le noir sidéral du vide absolu.

Je crie désespérément ton nom, l’Éternité !
Pour avoir osé croire à ton existence,
Je me suis projetée dans une illusion
Qui a duré le temps infime d’une vie.

L’océan de la nuit

Entends la nuit qui marche,
Elle s’avance au son du vent tempétueux ;
Il torture sans répit l’océan
Et le malmène violemment.

Entends la nuit qui hurle,
Pour ces marins au bord de leur vie,
Tandis que pleure le ciel
Pour les accompagner dans leurs tourments.

Entends la nuit qui noircit
Tout ce qu’elle touche ou effleure
Et creuse des abîmes insondables.
Où à jamais tout espoir se perd.

Entends la nuit qui rampe,
Domine de son mystère ce vaste monde.
Il se découvre soudain égaré
Dans les abysses de ses cauchemars.

Entends la nuit qui se noie
Dans les bleus sinistres et les noirs ténébreux.
Ils s’affrontent, choc de titans,
Dans la démesure de leurs sombres couleurs.

Garde-toi bien de prendre la mer ce soir,
Les éléments se sont associés
Pour t’entraîner vers des rives inconnues
Où l’angoisse qui mène à la folie t’attend.


Les vents m’ont dit

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’ai entrouvert ma porte en entendant le vent…
Il m’appelait ; je suis allée à ses devants.
« Va donc chercher dans ton magasin d’écriture
Les mots que j’ai à te dire sans fioriture. »

Ses remous se sont enroulés autour de moi,
Son souffle incessant a sifflé sur mes émois.
C’est dans mon âme qu’a retenti son message :
« Tous les chemins ne sont qu’un long apprentissage… »

Devant mon étonnement, il a ajouté :
« Écoute les battements du temps tourmenté.
Ce métronome implacable rythme ta vie,
Invite au voyage, mais cesse sans avis. »

Bien plus haut, dans le ciel, courait le zéphyr vivant.
Tourbillonnant, son manège était captivant.
Il se prit à tournoyer et sur un buisson,
Déposa son soupir léger en un frisson.

«Sois créative, reste assoiffée de savoirs,
Émotion et raison peuvent se concevoir.
Conjugue simplement comprendre et ressentir
Laisse ta vraie nature parler, pressentir. »

Tant de profondeur dans ces beaux enseignements !
Comment les pratiquer, les vivre pleinement ?
Je n’en mesurais que trop la difficulté…
Les vents m’ont dit alors : « Tu as l’Éternité… »

L’écrivain

 

Quelques mots réunis, somme toute banals,
Voilà pourtant un poème qui voit le jour.
Quelconque ? Non, car il agit comme un fanal,
Un appel à le dévoiler qui émeut toujours.

Qui se cache ou au contraire se découvre
Derrière cet entrelacs de phrases, de pages ?
Sur le seuil de la première ligne s’entrouvre
Un monde fabuleux : la magie du langage.

Bien sûr, quelqu’un se tient là, derrière le rideau,
Tel un maestro ou encore un marionnettiste.
Sur la mer des alexandrins, jetant son radeau,
Voici venir l’écrivain, mystérieux alchimiste.

Tout le nourrit : ce qu’il voit, perçoit et respire
Apporte les ingrédients de ses créations.
Métamorphosant les émotions qui l’inspirent,
Ce magicien débride son imagination.

De tous les émois, il en est le réceptacle,
Devient un réservoir inépuisable de rêves.
Sa grande sensibilité, portée au pinacle,
Peut pourtant le blesser, agissant comme un glaive.

Il jongle avec les mots, joue à l’équilibriste
Avec leurs rimes qui impulsent la cadence.
Il plonge avec délice dans ce jeu de piste,
Seulement guidé par leurs infinies nuances

Parfois étonné par son inventivité,
Mais exigeant dans la quête de la perfection.
À d’autres moments, manquant d’objectivité,
Sûr d’être abandonné par son inspiration.

Posant enfin sa plume avec soulagement
Autant qu’avec regret, il en a terminé.
Son écrit nous emmène vers des raffinements
Où, médusés, nous nous laisserons fasciner.

De vers ou de prose, surgit un paysage,
Source d’émerveillement pour chaque lecteur.
L’écrivain a gagné son pari : un passage
Au cœur même des émotions de son visiteur.

Libertés ou contraintes

À trop vouloir écrire en bouts rimés,
J’ai délaissé inconsciemment la prose.
Mes idées semblent devenir grimées,
Lorsque rédiger sans vers je m’impose.

À quoi ressembleraient mes émotions
Sans essayer de les canaliser,
De les contraindre sans altération
À s’ajuster à un cadre aisé ?

L’absence de métrique me fait peur.
C’est traverser une grande étendue
Sans repère ni élément moteur,
Se perdre dans l’espace distendu.

Comment trouver la prose savoureuse ?
Où est le plaisir dans ses digressions,
Ses pages noircies d’une encre fiévreuse,
L’ennui d’interminables descriptions ?

Je réfute donc cette liberté
Du cheval au galop sans cavalier,
Préfère à la prosodie me rallier,
Pour apprécier sa musicalité.

Plume capricieuse

Dis-moi, ma plume, me bouderais-tu ?
Tu m’ignores depuis si longtemps…
Pourquoi cette distance entre nous ?
D’où provient ton mutisme ?
Ne joue pas avec mon cœur,
Rassure-moi, ma plume…

Je te laisse choisir l’outil pour ta réponse :
Calame, sergent major, crayon mine…
Prends le plus virtuose, le plus à ton diapason.
Je te laisse choisir l’écrin à qui la confier :
Parchemin, papyrus, carnet de vélin…
Retiens le plus feutré, le plus secret.

Où s’est égaré le souffle qui t’animait,
Me faisait respirer d’un même élan ?
Où se terre cette délicate ivresse
Que procure un poème écrit à ton encre ?
Ton amitié m’aurait-elle délaissé,
Ou t’aurais-je déplu ? Peut-être froissée ?

Ne te soucie pas des règles de prosodie,
Ignore-les sans appréhension aucune,
Dégage-toi sans façon de ce joug.
Cette contrainte bride ta créativité.
Cette liberté octroyée te sied-elle ?
Mesure l’effort auquel je concède…

Je me languis du poids de tes mots,
Du choc musical de tes vers.
Je te cherche dans les lieux les plus improbables,
Mais mes yeux ne te ressentent nulle part.
Ne joue pas avec mon cœur,
Rassure-moi, ma plume…

La dimension des mots

Rondel (octosyllabes – A1/B2/B/A – A/B/A1/B2 – A/B/B/A/A1)

Mes mots posés sur le vélin,
Récit vivant où je m’égare,
Dès que j’y plonge mon regard,
Pour suivre son cours cristallin.

Chemin quelquefois sibyllin,
Qui me surprend sans crier gare,
Mes mots posés sur le vélin,
Récit vivant où je m’égare.

Embusqués comme des félins,
Jamais de répit ni d’égard,
Dussé-je en demeurer hagard,
Voici leur naturel malin,
Mes mots posés sur le vélin.