Le manque de lucidité

 

Elle a été si prolifique dans son écriture
Que sa créativité s’est asséchée
Comme le lit d’une rivière en été,
Comme une source inexplicablement tarie.

Son imagination caracolait en permanence,
Tel un cheval fougueux indomptable.
Tout était matière à composer un poème,
Tout était sujet à s’emparer de sa plume.

Prise d’une véritable frénésie d’écrire,
Elle manquait de temps pour tout retranscrire.
Son esprit ébauchait mille textes à la fois,
Versifiait dans son sommeil habité de rimes.

Sa verve rebondissait en cascade musicale,
Pour répondre au bouillonnement d’idées.
Elle était emmenée par cette énergie,
Portée par une dynamique a priori sans fin.

Là où sa pensée fusait, mine inépuisable,
Elle allumait un feu d’artifice avec les mots.
Elle les combinait, recherchait leur secret
Pour obtenir d’eux la quintessence.

Elle jonglait avec eux, savait les apprivoiser
Pour les amener docilement dans son texte.
Elle était là, pour les cueillir au bon moment,
Celui où ils s’écoulent comme du miel ambré.

Mais un jour, tout s’est arrêté brutalement.
Elle a cherché, appelé, supplié, imploré.
Seul l’écho de sa détresse lui est revenu.
Elle avait perdu toute capacité à écrire.

L’impensable s’était produit, amère vérité :
Elle n’était plus capable de créer. Point final.
Un grand sentiment d’avoir été abandonnée,
Trahie par ce qu’elle avait pris pour du talent.

La déception, la désillusion s’ajoutent au tableau.
Elle qui croyait maîtriser si bien les mots
S’est trompée complètement sur un sens :
Celui du mot talent. Excès de confiance ou crédulité ?