L’autan

À la faveur du printemps, il a déboulé.
Il était pourtant facile de deviner :
Des signes avant-coureurs s’étaient installés.
Il suffisait d’écouter et d’examiner.

Ces paysages aux contours beaucoup trop nets,
Le ciel saphir intense, quasi métallique…
En fin de journée lorsque chante la rainette,
Un infime souffle brise l’instant idyllique.

Une feuille a frémi, on pourrait en douter.
La texture de l’air semble s’être alourdie.
Un frisson imperceptible mais entêté,
L’autan est quasiment là, encore assourdi.

Dans la nuit, il s’impose déjà, impressionne.
Le jour se laisse surprendre par sa violence.
Il s’insinue partout, s’amplifie, tourbillonne
Et emmène tout dans sa folle véhémence.

Il malmène ce qui se trouve à sa portée.
Rien ne lui échappe : il courbe les arbres,
Éparpille les fleurs, et brise sans compter
Ce qui résiste, et contre lui se cabre.

Il s’infiltre jusque dans le cœur de tout être,
Qu’il soit végétal, animal comme humain.
Il les cerne, les tourmente, devient leur maître.
Chaotique, le vent fou poursuit son chemin.

Ses turbulences, aléatoires, surprennent.
Floraison échevelée et précipitée,
Hommes, bêtes irritables et peu amènes,
Air électrique surchargé d’aridité.

Mais cela suffit de médire sur l’autan.
J’aime me laisser emporter comme un fétu,
L’écouter siffler sa rage, impénitent.
C’est l’enfant du pays, volatile et têtu.