Randonnée

L’écharpe brumeuse s’est posée sur le paysage.
Les yeux rivés sur le bout de mes chaussures
Pendant que je grimpais le sentier escarpé,
Elle m’a surprise de sa soudaine présence.

Le vent s’est levé en rafales vigoureuses,
Faisant gémir les arbres sous ses attaques,
Sans parvenir pourtant à dissiper cette brume.
Elle prenait corps, suivait le mouvement du vent.

Je ne pouvais que la respirer à pleins poumons.
Elle pénétrait en moi, chargée d’humidité.
Je sentais son souffle froid inonder ma gorge,
J’étais livrée avec délice aux éléments déchaînés.

Le givre habillait le chemin en fleurs de cristal.
Dilemme difficile entre l’envie de les épargner
Et le plaisir de les entendre crisser sous mes pas.
Dentelles éphémères que la Nature effacera.

Capable de déployer ses talents d’artiste
Pour créer des chefs-d’œuvre stupéfiants,
Mais toujours associés à un côté provisoire
Pour nous rappeler que rien n’est définitif.

Voici enfin le sommet englouti dans la solitude
Que seuls déchirent les coups de fouet du vent.
Seule, me voici dans un autre univers, assurément.
Il semble qu’il n’y ait plus rien d’humain alentour.

Les arbres deviennent soudainement vivants,
Quand s’élève la plainte de leurs gémissements.
Leurs branches mordues de froid se tordent.
Aucun obstacle à la bise qui les transperce.

Leur écorce compacte offre à leur cœur glacé
Une protection fragile aux assauts du gel.
Une mousse épaisse, dense, telle une fourrure,
Recouvre les troncs, maigre rempart cependant.

Les racines des hêtres exposées à l’hiver acéré,
S’accrochent à la terre, resserrent leur étreinte.
Leur entrelacs étroit crée des abris peu profonds,
Des renfoncements, tels des refuges provisoires.

Quoi de plus attirant que d’aller s’y protéger,
L’espace d’un instant, pour ressentir vibrer
Le cœur de l’arbre, échanger nos chaleurs ?
Cédant à la muette invitation, je m’y blottis.

Sur moi retombe peu à peu une couverture
Qui me tient chaud, contre toute attente.
Quand les âmes humaines s’enlacent parfois
À celles de la nature, une étrange fusion s’opère.