Faux espoir

Je vous ai attendue, en vain, avec à la main
Mon dérisoire petit bouquet de jasmin.
J’aurais pu attendre là jusqu’à demain,
À guetter vos pas menus sur le chemin.

Pourtant vous languissiez d’impatience.
Malgré votre apparente insouciance,
Dans un soudain sursaut d’inconscience
Vous aviez exigé une courtoise audience.

Je ne peux pas me résoudre à l’évidence,
Revisite en pensée notre correspondance.
L’un comme l’autre avançant avec prudence
Sur le chemin du cœur et des confidences.

Votre cœur… Je l’imaginais déjà palpiter,
Me suppliant pour toujours de l’abriter,
Certain que vous auriez cultivé la fidélité.
Avec quel bonheur j’aurais tout accepté !

Dans mon esprit, c’était comme acquis :
Votre amour frémissant m’était exquis.
En mon âme où ma soif de vous naquit,
Votre délicate timidité m’avait conquis.

Rassurez-moi vite, farouche jouvencelle :
Vous n’avez pas osé venir dans la venelle ?
Tranquillisez-moi, gracieuse demoiselle,
Vous étiez apeurée, telle une hirondelle.

Vos yeux ne m’avaient pourtant pas menti
Sur vos sentiments, je l’avais bien ressenti.
Sur votre bouche gracile, en moi retentit
Le clair murmure de votre amour pressenti.

N’aurais-je donc rien soupçonné, rien compris ?
M’auriez-vous, comme un vulgaire malappris,
Chassé de votre cœur avec un cruel mépris ?
Détrompez-moi, je vous supplie, je vous en prie…

Ce couple, tout là-bas, hanche contre hanche…
Cette vision suscite en moi une avalanche
De déception et de chagrin mêlés. Je flanche.
Dans le noir de mon désespoir, je me retranche.

C’est fini désormais, aucun motif d’espérer.
Vous avez été un doux rêve à peine effleuré.
Votre orgueil vous a conduite à m’ignorer,
Vous n’avez pas redouté de me déchirer.

Devant cette infâme cruauté, je capitule.
Attendre après vous relèverait du ridicule.
Face aux passants, mon malheur je dissimule,
Et m’éloigne, le cœur seul, dans le crépuscule.

Randonnée

L’écharpe brumeuse s’est posée sur le paysage.
Les yeux rivés sur le bout de mes chaussures
Pendant que je grimpais le sentier escarpé,
Elle m’a surprise de sa soudaine présence.

Le vent s’est levé en rafales vigoureuses,
Faisant gémir les arbres sous ses attaques,
Sans parvenir pourtant à dissiper cette brume.
Elle prenait corps, suivait le mouvement du vent.

Je ne pouvais que la respirer à pleins poumons.
Elle pénétrait en moi, chargée d’humidité.
Je sentais son souffle froid inonder ma gorge,
J’étais livrée avec délice aux éléments déchaînés.

Le givre habillait le chemin en fleurs de cristal.
Dilemme difficile entre l’envie de les épargner
Et le plaisir de les entendre crisser sous mes pas.
Dentelles éphémères que la Nature effacera.

Capable de déployer ses talents d’artiste
Pour créer des chefs-d’œuvre stupéfiants,
Mais toujours associés à un côté provisoire
Pour nous rappeler que rien n’est définitif.

Voici enfin le sommet englouti dans la solitude
Que seuls déchirent les coups de fouet du vent.
Seule, me voici dans un autre univers, assurément.
Il semble qu’il n’y ait plus rien d’humain alentour.

Les arbres deviennent soudainement vivants,
Quand s’élève la plainte de leurs gémissements.
Leurs branches mordues de froid se tordent.
Aucun obstacle à la bise qui les transperce.

Leur écorce compacte offre à leur cœur glacé
Une protection fragile aux assauts du gel.
Une mousse épaisse, dense, telle une fourrure,
Recouvre les troncs, maigre rempart cependant.

Les racines des hêtres exposées à l’hiver acéré,
S’accrochent à la terre, resserrent leur étreinte.
Leur entrelacs étroit crée des abris peu profonds,
Des renfoncements, tels des refuges provisoires.

Quoi de plus attirant que d’aller s’y protéger,
L’espace d’un instant, pour ressentir vibrer
Le cœur de l’arbre, échanger nos chaleurs ?
Cédant à la muette invitation, je m’y blottis.

Sur moi retombe peu à peu une couverture
Qui me tient chaud, contre toute attente.
Quand les âmes humaines s’enlacent parfois
À celles de la nature, une étrange fusion s’opère.

Mise en bouche

Le désir qui vous a foudroyé hier soir
Vous a malgré tout laissé le temps
De donner libre cours à votre inspiration.
Ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre…

Nous pourrions envisager de reprendre…
Poursuivre cette fougueuse conversation
Qui a vu nos corps s’enflammer et se tordre
Sous votre ardeur aux arguments imparables.

Mais ce matin, c’est moi qui m’imposerai.
Et c’est vous, cette fois, qui me supplierez,
De vous octroyer enfin ce moment
Où j’accepterai de me donner à vous.

Un baiser sur vos lèvres chaudes, un autre…
Votre réponse apportée à l’identique
Est une invitation à poursuivre aussitôt.
Ne perdons pas de temps, le désir l’exige.

Votre bouche veut s’emparer de la mienne,
Un regard de ma part vous arrête net.
Allongée sur votre corps dénudé et tendu,
Je vous embrasse voluptueusement.

Je baise chacune de vos lèvres délicatement,
Ma langue en retrace le dessin suavement,
Mais l’espiègle qui est en moi, les mordille
Pour ne vous faire grâce d’aucun tourment.

Je sens votre souffle brûlant sur mon visage,
Pourtant nous n’en avons pas encore terminé.
Bouches brûlantes plaquées l’une contre l’autre,
Ma langue entame une danse avec la vôtre.

Première caresse intime, très lentement…
Première délectation avant la jouissance…
D’ailleurs, ma main, dans un effleurement,
Part à la conquête de votre virilité offerte.

Jouer avec le coeur

Un battement, un autre : c’est mon cœur.
Il bat, joue la samba, instinctivement.
Il pulse, impulse la vie, animalement.
Métronome infatigable toujours au labeur.

J’écoute sa musique douce, compte ses notes.
À quelle source puise-t-il parfois sa conviction ?
Sa raison de persévérer, sa propre motivation ?
Alors que de peur ou de douleur, il grelotte…

Soudain, à un détour de la vie, le voici affolé,
Submergé, en proie à un choc émotionnel.
Il bat la chamade sur un rythme fractionnel.
C’est sûr, on l’entend à la ronde, marteler.

J’ai croisé, sans le savoir, un bourreau des cœurs,
Mais, tout aveuglée, je lui ai ouvert le mien.
Écoutez-le battre juste pour vous, ce lien…
Entrez donc, ai-je murmuré, à ce bel arnaqueur.

Cœur à cœur, on bat beaucoup plus fort.
Cœur contre cœur, on a tellement plus chaud.
Il fait si calme, si tendre ! L’espoir sort du cachot.
C’est vital pour moi : je revendique du réconfort !

Mon corps connaissait le vôtre intensément.
Juste pour nous, le temps patiemment s’étirait.
Vous saviez que mes craintes se dénoueraient,
En laissant mon cœur s’épancher doucement.

C’était mon âme, ivre d’amour, qui palpitait
Quand la vôtre, ardente, réchauffait mon cœur.
Votre vie semblait m’inonder, mielleuse liqueur…
Sans autre nécessité, le cœur léger, j’existais.

Mais un jour, perfidement, surgit le doute.
Je voulus comprendre, en avoir le cœur net
Et découvris votre cœur de pierre. Sornettes !
Tout n’était qu’illusion, trahison. La déroute !

Abattue en plein vol et poignardée à mort,
Vous avez arraché mon cœur sans état d’âme.
À cœur joie, vous avez plongé votre lame
Dans mes sentiments sans le moindre remord.

Un battement, puis un autre : c’est mon cœur.
Il me fait souffrir comme jamais. Atrocement.
Il pulse, impulse du poison. Mécaniquement.
Métronome insupportable empli de rancœur.

De passage…

Elle est partie sans un bruit.
Elle s’est évanouie dans la nuit.
Ne persiste que la brume
Qui a enveloppé son départ.

Elle est partie dans un souffle.
Non pas celui de la vie,
Mais celui qui laisse le vide,
Qui crée l’horreur de l’absence.

Elle est partie dans un songe.
Comme un rêve qui s’échappe,
On cherche en vain à le retenir.
Seul persiste un doux souvenir.

Elle est partie dans un murmure.
Nimbée de son aura poétique,
Libérée de son combat inhumain.
Un parfum de vie endormie.

Elle est partie dans une larme.
De douleur, de tristesse,
De soulagement, de résignation.
Une larme chargée d’émotions.

Elle est partie dans un rayon de soleil.
Celui qui avait su la bercer,
La nourrir de sa chaleur.
Elle l’a emporté avec elle.

Elle est partie toute seule.
Il a bien fallu lui lâcher la main :
L’horloge de sa vie avait retenti.
Pour la dernière fois.

Elle a rejoint tous les poètes.
Demain, au printemps,
Elle sera cette fleur sauvage.
Un parfum de vie renaissante.

Dans ma poitrine

 

Un battement puis un autre.
C’est mon cœur qui bat.
Il pulse, impulse la vie.
Métronome infatigable.

Je l’écoute attentivement.
Pourquoi cet entêtement ?
Où trouve-t-il sa motivation ?
Sa raison de persévérer ?

Parfois, capable de s’affoler :
En proie à un choc émotionnel.
Je le sens alors battre la chamade,
C’est sûr, on l’entend à la ronde.

J’ai rencontré un bourreau des cœurs
Mais, aveuglée, je lui ai ouvert le mien.
Entrez donc, lui ai-je dit de bon cœur,
Écoutez-le battre juste pour vous.

Cœur contre cœur, on bat plus fort.
Cœur à cœur, on a plus chaud.
Il fait si doux, si calme, si tendre,
J’ai tant de raisons d’y croire !

Mon corps connaissait le vôtre par cœur.
Le temps semblait s’être arrêté
Pour m’écouter épancher mon cœur.
Vous aviez le cœur sur la main !

C’est mon âme qui palpitait
Quand vous réchauffiez mon cœur.
Vous alliez droit au cœur du mien.
Je vivais le cœur léger, insouciant.

Mais un jour, le doute surgit.
J’ai voulu en avoir le cœur net
Et découvert votre cœur de pierre.
Tout n’était qu’illusion, trahison.

Frappée de plein cœur, en plein vol,
Vous m’avez arraché le cœur.
Vous vous en étiez donné à cœur joie
De jouer avec mes sentiments.

Un battement, puis un autre,
J’ai mal au cœur comme jamais.
Il pulse, impulse du poison.
Métronome insupportable.

Comme c’est fragile, un cœur…
Il se déchire à rien,
Mais survit de ses quelques racines
Qui le maintiennent en vie.

A la belle étoile

Allongée près de toi sur les feuilles,
M
es yeux de chat en investigation…
Tu signes ta douce condamnation…
Odeur enivrante du chèvrefeuille…

Allongé près de moi dans la nuit…
Souffle régulier de ta respiration…
De ton anatomie, sans permission,
L’inventaire gourmand je poursuis.

Ta carrure d’athlète augure de ta force.
Tu me nargues de ton dos sculptural,
Étendu à plat ventre. En moi, c’est fatal :
Je sens poindre mon désir, il s’amorce…

Arrêt sur tes fesses fermes et rebondies.
Supplice de Tantale pour mes mains…
Pourquoi attendre ? C’est inhumain…
En moi s’éveille et s’intensifie l’incendie…

Je joue avec mes nerfs, avec mes sens :
J’ai décidé de ne toucher que des yeux,
Consciente pourtant du côté périlleux
Pour toi endormi, privé de toute défense…

Je m’oblige pourtant à cette décision.
Mon désir n’en sera que plus violent.
Je finis par détacher mes yeux brûlants
De cette aguichante et obsédante vision.

Autre paysage… Difficile de me contenir :
J’exige de sentir tes jambes musclées
Capturer mon corps pour l’encercler.
Je ne veux ni ne peux plus rien m’interdire…

Coup d’œil panoramique sur ton corps.
Je me penche sur toi et respire ta peau.
Impossible pour moi de trouver le repos :
Je veux te déguster encore et encore…

Alors je mélange nos chaleurs animales,
Glisse une main avide entre tes cuisses
Me saisit de ton membre viril avec malice.
Tu me prends sans détour de façon sidérale.

Une présence

J’habite ici depuis très longtemps. Ne me demandez pas depuis quand : quelle importance ? peut-être d’ailleurs ai-je toujours vécu là. Je suis le souffle qui fait frémir le rideau de la cheminée, je suis le bois de l’escalier qui se manifeste sous vos pas hésitants, je suis le parfum indéfinissable et quelque peu énigmatique qui s’empare de vous sitôt franchi le seuil de cet endroit.
Car vous m’avez ressenti, n’est-ce pas ?
Vous ne me voyez pas, c’est normal, j’ai fini par me fondre dans le décor, quand bien même fût-il de Noël.
Je cours et je vole de pièce en pièce, insaisissable mouvement qui vous oblige à vous retourner pour vous arrêter l’espace de quelques secondes et percevoir l’invisible.
Je caracole et plane au-dessus de tout objet, infatigable ondulation qui dépose son empreinte impalpable et incertaine.
Je m’attarde à l’orée de votre cœur pour sonder et apprécier les sentiments que vous nourrissez à mon égard.
Je parcours les méandres de votre âme : j’y figure en bonne place et cela me rassure.
Car je veux continuer à vivre dans cette maison, susciter et raviver les mêmes émotions qu’autrefois. Aujourd’hui, Noël s’installe, événement privilégié qui n’usurpera pas ma présence pour autant. Je vais donc me l’approprier, l’habiller de ma couleur et de la fragrance qui n’appartient qu’à ce lieu, lui insuffler la douce impulsion qui me ressemblera.
Le jour de Noël, chaque cadeau reçu ou offert sera enveloppé de mon amour, telle une aura qui conférera son caractère unique et donc précieux. Vous le ressentirez au plus profond de vous-mêmes.
Chaque effluve dispensée par le sapin vous renverra vers ces forêts dans lesquelles j’aimais tant me perdre, si sensible à l’émanation de ces forces mystérieuses et régénératrices, qu’une part de moi-même en est sûrement restée captive.
Chaque place autour de la table vous ramènera veux ceux qui ne viendront plus jamais s’y asseoir. Vous restreindrez le cercle mais vous ne pourrez pas vaincre ce vide car il est intemporel et rien ne saurait le combler.
Chaque guirlande brillera d’une pointe de nostalgie, vous la respirerez, vous vous en laisserez imprégner.
Je sais encore que c’est moi qui recueillerai vos larmes et vos joies, vos espoirs comme vos désillusions, éternel confident, à jamais privé de parole mais non de sensibilité. Pourtant… pourtant, je sais aussi que lorsque vous évoquerez ce que je suis, ce que j’étais, c’est moi qui vibrerai si fort que vos conversations s’interrompront ; vous penserez entendre, étonnés, la plainte du vent dans la cheminée. Son rideau s’animera alors d’un souffle, et vous saurez intimement qu’il s’agit du mien venu vous envelopper de la paix de Noël.
Car je suis… je suis l’esprit de la maison.

Plan de bataille

 

La tentation à portée de bouche…
Tu n’aurais pas dû effrontément
I
maginer que cela m’effarouche…
Je suis aux aguets. Constamment…

Tu n’as rien perçu de mon approche.
J’ai séquestré pour cela ton attention
En inventant un quelconque reproche.
Passage à l’étape suivante : l’action !

Jouant sur l’effet de surprise obtenu
J’entreprends ton point sensible.
C’est la stratégie que j’avais retenue,
Celle qui ouvre la porte du possible.

Je ne te laisserai aucune chance.
Tu pourras autant que tu souhaites
Implorer, quémander ma clémence.
Tu ne t’enfuiras pas à la sauvette.

D’ailleurs, tu ne cherches pas à fuir :
Tu te joues de mon air calculateur.
J’entends tes gémissements de plaisir
Que tu laisses sourdre sans pudeur.

Je peux tirer fierté de mon assaut,
Moins de ma victoire trop facile.
Mais soupçon dans un sursaut :
Ma ruse était-elle vraiment utile ?

La trahison

La première fois, je la vécus tel un choc.
Je reçus en plein cœur cette flèche.
Son poison fit office d’électrochoc.
Dans ma confiance s’ouvrait une brèche.

Une souffrance dans toute sa brutalité,
Qui me laissa toute chancelante.
Une douleur dans toute sa soudaineté,
Longtemps, mon âme en resta pantelante.

Ma colère finit pourtant par l’emporter
Dans un semblant sursaut d’auto-défense.
Le choix des armes est  parfois limité.
J’avançais dans un sentiment d’impuissance.

Mais vouloir prouver à l’autre ses erreurs
Est un piège qu’il faut savoir déjouer.
Accepter la vérité, même avec douleur :
La voie d’eau ne peut pas être renflouée.

Cette vérité-là, conséquence de la trahison
Rend l’une et l’autre plus âpres à dépasser.
Alors pour cette raison ou par déraison,
J’arrachai la flèche et la jetai au passé.

Sur l’autel en trompe-l’œil de la réconciliation,
Je redonnai ma confiance pourtant fragilisée.
Une voix intérieure insistante attirait mon attention
Sur ma crédulité et mon sens critique volatilisé.

De caresse en promesse, de rire en confidence,
La complicité semblait revenir, plus forte que tout.
Mais le doute s’était insinué avec impudence
Étendant son voile nauséeux et putride sans tabou.

La deuxième trahison me laissa sans réaction.
Elle s’abattit sur moi comme un couperet.
Elle me démolit avec cynisme et application,
M’étouffant jusqu’à m’empêcher de respirer.

Je suis habitée par l’infinitude de la tristesse,
Elle a tout envahi, même la moindre de mes cellules.
Moi-même aveuglément actrice de ma détresse,
Saurai-je vraiment tirer leçon du feu qui brûle ?