Avis de recherche

Pourtant, deux minutes auparavant, un feu d’artifice de pensées habitait son esprit, des interconnexions rapides comme l’éclair apportaient des réponses à des questions accumulées depuis trop longtemps, des évidences s’amassaient sous ses yeux ébahis, le puzzle de sa vie prenait forme avec la fulgurance d’une pluie d’orage. Désinhibé, le cerveau ! Décloisonnées, certaines zones sclérosées, fermées à double tour parce que trop douloureuses ou à l’origine de conditionnements qui avaient gouverné toute une vie ! Lorsque sautent les verrous, c’est un flot intarissable de vérités qui déferle. Tout s’éclaire ! C’est le cri du génie qui vient de trouver une idée révolutionnaire, la fierté de l’explorateur qui vient de conquérir de nouveaux territoires, le détail qui amorce les révélations.  

Mais le temps de se mettre en place pour capturer et assembler par des mots, des phrases, toute la trame tissée avec autant de rapidité, tout s’était évanoui. Ne subsistait plus qu’un silence intérieur où résonnait encore vaguement l’écho de ce tourbillon saisissant.  

Maintenant, à peine quelques réminiscences restent encore visibles, aussi faibles qu’une lueur de bougie malmenée par le vent.  

Toute sa démarche intellectuelle serait-elle donc à recommencer ? Ou bien son cerveau a-t-il gardé inconsciemment la trace de ces découvertes, de ces liens qui lui permettent d’aller au-devant de lui-même ? Comprendre qui il est, son fonctionnement, à quels carcans despotiques il s’est plié avec automatisme depuis si longtemps… 

Le temps passe, il ne doit pas le gaspiller. Le temps presse, il doit le mettre à profit pour terminer cette quête. Terminer ? Le mot est-il vraiment bien choisi ? Mettre un jour un point final à la connaissance de soi-même est-il envisageable ?  

Un sourire flotte sur ses lèvres ; ses yeux, perdus dans le vague, s’arrêtent sur la réponse qu’il connaît déjà… Enfance, adolescence, âge mûr, vieillesse : chaque saison apporte son lot de transformations, d’évolutions, certaines plus visibles que d’autres, plus ou moins importantes, plus ou moins profondes. Comme un arbre se dépouille à l’automne de ses feuilles, il a laissé derrière lui des histoires dépassées, des souvenirs fanés et insipides, des certitudes vidées de leur relief, des croyances qui n’en étaient pas. Sa vie a été jalonnée de déceptions dont l’amertume va en s’amenuisant et de joies dont l’éclat brille toujours, de peurs jugées désormais démesurées et infondées, de souffrances qui resteront à jamais enkystées dans les sillons creusés irrémédiablement, d’espoirs sans vie et d’autres, plus tenaces. Il s’est dépouillé, a fait place nette, son regard est différent, plus acéré, quoique plus bienveillant, plus réaliste ou plus lucide. Mais au fond du cœur respire encore cette part de confiance qui fait l’innocence des enfants, parce que là réside l’espérance. 

Il pose papier et crayon pour écouter l’apaisement s’installer en lui comme un voile de brume sur une rivière sereine.