D’ombre et de lumière

Tu l’as rejointe dans la pénombre tiède
D’une nuit d’été, à la faveur de son parfum.
Évanescent, tout en nuances, il précède
Tes pas qui se laissent guider par cet embrun.

La voici devant toi, silhouette si frêle…
Tu redoutes un instant de voir s’évanouir
Dans l’obscurité, cette femme de dentelle.
Alors, tu saisis sa main pour la retenir.

Tu enfouis ton visage dans ses cheveux,
Leur caresse se propage en toi comme une onde.
La profondeur de ce moment vous rend nerveux.
Mais, pour vous rassurer, surgit la lune ronde.

Les regards parlent et les bouches se racontent.
Les mains se cherchent avidement, les corps s’enlacent.
En vous, une vague irrésistible remonte.
Alors, un à un, ses vêtements tu délaces.

Avec précaution, tu l’allonges près de toi
Dans le silence bruissant de votre désir.
Te penchant sur ses yeux limpides qui chatoient,
Tu décèles son invitation au plaisir.

Avec confiance, elle t’offre sa féminité
Au point de t’émouvoir devant cet abandon.
Tu n’imaginais pas tant de fragilité…
Ton souhait désormais : l’honorer pour ce don.

Dans un souffle, effleurer sa peau, lentement,
En apprécier son goût autant que sa texture,
T’attarder sur ses formes, quel ravissement…
Voir son corps se cambrer sous ta douce torture.

Te rassasier enfin de son intimité,
Te brûler à son feu intérieur qui te fascine,
Donner libre cours à vos sensibilités,
Parvenir à l’extase que tu redessines.

Le bonheur

 

Hier soir, je suis sortie avec lui.
Blouson de cuir, mini-jupe, bottines à talon,
Caresse du vent dans mes cheveux déliés.
Sentier doucement ébauché à la faveur des étoiles.
Forêt bruissant de la vie nocturne des animaux.
Nous marchions côte à côte.
J’entendais sa respiration.
Je me suis vraiment éclatée.
Dans l’eau se reflétait la lune rêveuse.
J’ai nagé en plein bonheur.

En fait, ce n’est pas tout-à-fait cela…

Hier soir, comme d’habitude, j’ai sorti mon chien.
Blouson de cuir, mini-jupe, bottines à talon.
Pas lui… Moi.
Quarante-six kilos de muscles.
Pas moi… Lui.
Vent polaire, me voilà tout échevelée et glacée.
Sentier bouillasse, mes chaussures font ventouse.
Forêt d’où bondit soudain un lapin provocateur.
Moi, façon drapeau, flottant en bout de laisse.
Le chien, indifférent à ma situation, aboyant furieusement.
Je me suis vraiment éclatée… dans la flaque.
Celle où se reflétait la lune goguenarde.
J’ai nagé en plein bonheur.
Mon chien m’a regardée, la gueule fendue d’un sourire.

Tu sais…

Tu sais que ces paysages-là traversés,
Correspondent à la vision de l’existence.
Des décors pour écrire ta vie, avancer,
Et révélés une seule fois pour leur sens.

Mais tu ne l’as pas encore compris.

Tu sais que tu ne pourras pas les retrouver,
Embarqué malgré toi sur le cours de ta vie.
Jusqu’à son embouchure tu vas dériver,
Te nourrissant de ceux que tu auras suivis.

Mais tu ignores être cette rivière coulant vers la mer.

Tu sais que chaque pas est une initiation
Qui t’apporte les bons outils pour progresser.
Vois-le comme le résultat d’une impulsion
Située en amont où tout a commencé.

Mais tu n’en as pas encore conscience.

Tu sais que des rencontres viendront t’enrichir,
Compléter et parfaire ton apprentissage.
Et tu n’auras de cesse de les retenir.
Pourtant, elles seront seulement de passage.

Mais tu ne veux pas encore accepter cette idée.

Tu sais que le courant, inexorablement,
T’amène à la dernière étape : un détroit.
C’est là que t’attend le dernier questionnement :
Où en suis-je donc de ma vie, en cet endroit ?

Mais tu te crois encore loin. Très loin…

Le brochet

Le pêcheur est revenu pour le troisième jour consécutif au même endroit de cette rivière qu’il connaît intimement.

C’est dans son enfance qu’elle prend sa source. Leurs histoires se mêlent et se confondent. Parfois, elles se séparent longuement. À d’autres moments elles confluent l’une vers l’autre comme en cet instant. Trois jours de retrouvailles émouvantes…

Cette rivière coule tranquillement sous une voûte d’arbres majestueux. Leurs branches se penchent au-dessus de l’eau pour mieux apercevoir dans le reflet du miroir frémissant la grâce de leurs courbures. Les racines immergées offrent des cachettes nombreuses et sombres au peuple de ces eaux profondes et ténébreuses. D’ailleurs, qui est-il ? L’imagination a tendance à s’emparer de la raison…

Ce n’est pas cela qu’est venu chercher le pêcheur. Il convoite mieux : le Roi incontesté de ce lieu : un brochet de très belle taille qui le nargue depuis trois jours. Entre eux, c’est un défi muet mais que chacun s’apprête à relever.

La tension est palpable, le silence s’installe, ce bras d’eau s’apprête à suivre ce combat titanesque. L’homme prépare son matériel avec précision, concentration, et méthode. Rien ne doit être laissé au hasard, il veut se donner toutes les chances de conclure cette traque qui le hante. Il ne peut pas supporter l’idée d’être tenu en échec par la combativité du poisson. C’est sa force contre la sienne, sa détermination contre celle de l’animal. Il ne peut y avoir qu’une issue.

Le soleil éclaire la scène, laissant des zones d’ombre sur la rivière, découvrant des postes potentiels pour lancer le leurre, tout en restant en retrait pour ne pas être aperçu. L’air, imperceptiblement, atténue tous les bruits, dans l’attente de ce qui va suivre.

Le pêcheur se remémore les dernières journées qui l’ont conduit aujourd’hui à revenir chercher sa victoire. Ou sa défaite. Comment savoir ? Chacun, de l’homme ou du poisson, possède ses armes spécifiques, ses astuces, ses pièges et surtout, sa volonté de gagner. Pour être revenu bredouille jusqu’alors, il ne faut jamais sous-estimer son adversaire.

Le premier jour, en effet, alors que les perches avaient soudainement disparu de la zone de pêche, un brochet avait fondu sur sa ligne. Malgré un ferrage immédiat et réussi, le poisson, dans une virevolte, avait cassé le fil et repris sa liberté. La déception avait tout de suite cédé la place à l’espoir de le retrouver. Puisque son repaire avait été découvert, c’était une invitation à le poursuivre à nouveau.

Le deuxième jour fut long à venir. Pour tromper son impatience, l’homme s’attela à renforcer son matériel, à s’équiper au mieux. En hâte, il rejoignit son poste auprès de l’eau et attendit nerveusement, après chaque lancer, l’apparition de la bête.

Soudain, l’attaque fulgurante faillit surprendre le pêcheur, légèrement relâché d’avoir tant insisté sans obtenir de touche, ni la moindre information sur la présence possible du prédateur. Vite, ferrer… Ramener doucement… Laisser filer, puis reprendre la main. L’eau bouillonne, la canne ploie. Il s’enroule sur lui-même, éclabousse tout autour. Le temps s’étire, le pêcheur persiste, chacun se bat.

Et puis, tout s’arrête brutalement. La ligne a rompu une fois de plus. Une fois de trop pour l’homme gagné par une déception rageuse, certain que tous les éléments se sont ligués contre lui.
Quel affront pour lui, quelle vexation indicible ! Il tend son poing en direction de la rivière qu’il prend à témoin, jure, les yeux au ciel, de revenir relever cette provocation sans précédent. L’écho de ses paroles résonne dans la proche forêt, roule sur le calme du cours d’eau, s’enfonce dans ses profondeurs.

C’est au troisième jour que tout devra se jouer. Ainsi en a-t-il décidé. Se donner tous les moyens de réussir, empêcher le hasard de venir en trouble-fête. Passer le matériel au peigne fin, réfléchir avec discernement à la meilleure façon d’en tirer parti, définir une stratégie, envisager tous les scenarii possibles, répéter mentalement les gestes à accomplir, les erreurs à éviter.

Mais la technique et le matériel ne sauraient suffire. L’aube naissante retrouve notre lutteur assis sur une souche, étonnamment calme. Sa fébrilité a disparu, c’est le moment qu’il a choisi pour se remémorer les conseils de son père, lorsque, enfant, il l’accompagnait le long de cette même rivière. Il portait sa musette et tenait son épuisette, le suivait partout, partageait avec lui toutes les aventures, se nourrissait de ses récits, consignait dans un carnet les exploits du jour. Il revoit leur fierté commune à revenir à la maison, lourdement chargés de leur pêche fructueuse. Il mettait consciencieusement ses pas dans les siens pour s’imprégner de ce que représentait son père, pour devenir un jour, à son tour, cet homme qu’il admirait tant.

Il laisse ainsi remonter en lui tous les souvenirs liés à ces moments précieux où l’expérience et les connaissances de son mentor semblaient inépuisables. Oui, ce jour-là, il se rappelle comment ils étaient venus à bout d’un poisson trop rebelle. Et cette autre fois, où ils avaient dû agir de telle ou telle façon. Peu à peu, tout lui revient avec netteté. Il se sent investi d’une force nouvelle dont il connaît l’origine. C’est d’une main sûre qu’il s’empare de son attirail et d’un pas ferme qu’il se dirige vers l’ultime confrontation.

Les conditions sont idéales, comme les jours précédents. Pour compléter sa panoplie, il a taillé une branche en forme de gaffe qu’il utilisera en dernier ressort pour hisser le poisson hors de l’eau.

Et maintenant ? Si le brochet ne revenait pas ? S’il choisissait de l’ignorer, de le narguer du fond de sa repaire ? Ne pas laisser le doute s’installer, ne plus réfléchir, être dans l’action.

Depuis la berge, positionné toujours au même emplacement, il lance son leurre, répète systématiquement et inlassablement ce geste. Il « peigne » la rivière, en explore méthodiquement chaque zone, passe devant les souches immergées, s’attarde un peu devant les cachettes possibles, simule une proie blessée, sonde les trous d’eau, aidé de ses lunettes polarisantes, explore les branches enchevêtrées dans le fond, au risque d’accrocher sa cuiller, en change pour d’autres, peut-être plus alléchantes.

Rien… Pas même une perchette, pas la moindre ablette, la vie semble avoir fui. Le dépit, la désillusion s’avancent pas à pas dans son esprit. Cependant, avant de changer de poste, il s’entête, persiste, veut se donner du temps, « lui » donner du temps pour se décider. Un brochet repu n’attaque pas, dort, calé dans sa planque, ne prendra aucun risque. Comment savoir ? Et puis, ce n’est pas un brocheton de l’année…

Le pêcheur n’a pas le temps de se poser d’autres questions : sur un ultime lancer, l’attaque est foudroyante. L’espace d’un éclair, il a le temps d’apercevoir sa gueule ouverte, toutes dents dehors, son œil rond luisant de voracité.

La fureur de cette étreinte sauvage envahit tout l’espace et noie le silence qui régnait jusqu’alors. L’homme s’arc-boute sur sa canne, tandis que son adversaire virevolte, exposant son ventre blanc, son dos noir et puissant, son corps parfaitement fuselé pour la nage rapide. Sa queue bat la surface de l’eau, sa gueule emmène la ligne vers les profondeurs. L’un et l’autre se livrent un combat sans merci. Que se passe-t-il dans leur tête ? Aucun n’ignore qu’ils sont en train d’écrire le dernier chapitre.

Le tumulte de leur lutte s’amplifie. Rien ne semble pencher en faveur d’un des protagonistes. Le pêcheur maîtrise ses mouvements et sa technique. Ses gestes sont calculés, sa tactique adaptée. Le bécard s’emploie à mettre en place toutes les ruses transmises par l’hérédité de ses gênes. L’ardillon s’est planté profondément dans sa gueule, mais il sait très bien comment s’en débarrasser en nageant dans l’entrelacs des arbres morts immergés, échappatoire inespérée. L’homme a compris la manœuvre et évite de se laisser entraîner dans ce labyrinthe qui signerait la fin de la capture.

Le temps n’existe plus. Tout semble s’articuler autour de cette scène hallucinante, impressionnante. L’instinct de vie décuple les forces du carnassier qui tente maintenant de se libérer de l’hameçon en frottant son flanc contre la berge, toute gueule hors de l’eau, pris de convulsions frénétiques pour arriver à retrouver sa liberté.

Le pêcheur décèle dans la bête un certain relâchement dans sa combativité. C’est le moment qu’il choisit pour la ramener vers lui et l’accrocher par les ouïes avec la gaffe artisanale. Coups de queue, coups de corps, rien n’est encore gagné. Mais à ce jeu-là, il ne peut y avoir qu’un gagnant. La partie bascule en défaveur du brochet. Il est enfin hissé sur la berge.

Doucement, avec respect, l’homme dépose son adversaire sur l’herbe inondée de soleil. Ému, bouleversé, il lui rend hommage à sa façon, en caressant délicatement le ventre tremblant du prédateur. Avec humilité, s’excusant presque de l’avoir soustrait à son royaume, le pêcheur s’empare de sa prise et l’emporte dans les souvenirs de ses plus belles aventures.

Portrait

Un peu de gris sur tes cheveux rebelles et flous
Apporte un éclairage à ton visage doux.
Dans leurs mèches, ma main aime se faufiler
Avant de sentir ta nuque se profiler.

Ton front noble abrite une vive intelligence.
Il seconde toujours ton cœur de sa présence
Pour imaginer, murmurer les mots osés,
Les mots d’amour, telle une écharpe de rosée.

Ça et là, quelques rides se sont installées,
Te faisant don d’un charme fou inégalé.
Du bout des doigts, je les déchiffre, je caresse
Leur chemin indistinct, m’attarde avec tendresse.

L’espièglerie dont tes yeux rieurs se déguisent
S’allume parfois d’un désir de gourmandise.
Ils me scrutent et descendent au fond de moi
Faisant surgir dans mon être un profond émoi.

Ta bouche sensuelle rime avec sourire,
Elle se plaît à me parcourir, me conquérir.
De tes lèvres, ma langue trace le dessin
Et aussitôt s’enflamment de charnels desseins.

L’ensemble fait de toi un bel homme envoûtant,
Au parfum d’élégance et de vie palpitant.
Ton visage ouvert rayonnant d’assurance
Me prive de toute défense ou résistance.

Amies, si vous pouviez admirer son physique,
Vous seriez conquises par son corps magnifique.
Mais j’arrêterai là ma brève description.
Tant pis, je vous laisse à vos élucubrations.

Je sais aussi…

Je sais le mal-être qui te ronge
Jusqu’à la nausée, violente,
Jusqu’au dégoût de toi-même.

Je sais à quelle incompréhension
Tu te heurtes, interdite de défense,
Et les a priori qui te condamnent.

Je sais à quel point tu déranges
Les bien-pensants donneurs de leçons,
Les principes inébranlables de certains.

Je sais cet appel intérieur, sa voix
Qui parfois répand sa brume en toi,
Lorsque tu te crois près de tomber.

Je sais son insistance à te tenter,
Et le visage qu’il revêt insidieusement :
Celui du mirage fallacieux de la paix.

Je sais que tu marches sur un fil,
Funambule de cette vie, où chaque pas
Peut tout faire basculer. Définitivement.

Je sais combien tout cela te pèse,
Le supplice où ton existence t’a enfermé.
Tu voudrais pouvoir déposer ce fardeau.

Je sais que je n’ai aucun pouvoir,
Aucune arme digne de ce nom
Pour te secourir. Au moins te soutenir.

Je sais le sursis qui précède la décision.
Mais laquelle ? Terrifiante angoisse.
Insoutenable sentiment d’inutilité.

Je sais pourtant le pouvoir de la Vie,
Celui qui résonne malgré tout en toi,
Qui te ramène vers elle, avec douceur.

Je sais aussi mon amour pour toi,
Il t’appartient, force sincère et vraie.
Tu ne l’ignores pas, je sais cela aussi.

Alors… Alors ?

Je ne sais plus rien.
J’espère, je te fais confiance.
Encore une fois.

 

Je sais…

 

Je sais la couleur d’un ciel d’été rougeoyant,
L’étincelante blancheur d’une neige vierge.
Je sais la profondeur du ciel bleu dans la mer,
Le vert délicat dont se pare le printemps.

Mais je ne sais pas si je resterai lucide.

Je sais le pouvoir indicible de l’amour
Et l’harmonie que peuvent atteindre deux cœurs.
Je sais la force de sa chanson enivrante
Pour peu que le feu soit toujours entretenu.

Mais je ne sais pas si j’en serai capable.

Je sais la saveur de chaque respiration,
Le plaisir éprouvé à se sentir vivant.
Je sais l’importance à apprécier chaque instant
Pour pouvoir un jour me retourner sans regret.

Mais je ne sais pas si j’y veillerai sans fin.

Je sais que la vie toujours reprend ce qu’elle donne
Elle n’est qu’un théâtre où chacun est de passage.
Je sais ce caractère urgent et capital
Qui exhorte à se délecter de l’éphémère.

Mais je ne sais pas si j’en prendrai la mesure.

Je sais maintenant être parvenue au port,
Escale dans ma vie pour savoir qui je suis.
Je sais bien que mon voyage se finira
Lorsque plus aucun souffle ne me poussera.

Mais je ne sais pas si je me connaîtrai mieux.

 

Sus à l’insomnie !

Insomnie, voleuse de mes rêves, de ma nuit,
Je te réglerai ton compte bien avant minuit…
Tu crois la partie gagnée en m’assénant l’ennui,
Apprête-toi à subir un revers aujourd’hui…

Tu t’amuses de m’avoir privée de mes songes,
Mais dans le confort moelleux du lit je m’allonge.
Tes étoiles aux confins du monde se prolongent,
Lumières de ce fantasme dans lequel je plonge :

Une recette de cuisine pour fin gourmet.
Destination séduisante pour une affamée…
En ingrédient principal : toi, pour tout enflammer.
Quantités : laisser l’inventivité s’exprimer.

Mélanger intimement le chaud souvenir
De nos corps enlacés, mais aussi entretenir
La confiance dans le jardin du devenir.
Parfois craintive, elle conditionne l’avenir.

Mais quoi ? Le plaisir doit savoir se faire attendre
Même en amour… Ce qui suppose d’apprendre
Patience, art de louvoyer dans les méandres
Du désir, cultiver l’habileté à surprendre…

Alors reprenons notre recette avec rigueur.
Attendons avant de céder à la langueur.
Me voilà motivée, pleine de fraîche vigueur
Je veux assouvir ma faim de toi, beau charmeur…

Réponds-moi : où en étions-nous, ma mémoire,
Peau contre peau… Étape suivante obligatoire :
Assaisonner maintenant pour relever l’histoire,
De frissons érotiques au sulfureux pouvoir.

Saupoudrer du piment qui sied à nos rencontres.
Incorporer le levain. Viens, je te montre…
Laisser reposer un moment. Tu n’es pas contre ?
De mes conseils sucrés tu n’irais pas à l’encontre…

Pétris chacune des zones sensibles tour à tour.
Soigneusement, effeuille-moi de mes atours.
Badigeonne de crème au miel sur le pourtour.
Dans notre fusion, c’est le point de non-retour.

Verser doucement ton envie et ta passion
Sur mes sens électrisés et en exaltation.
Progressivement, amener à ébullition
Pour parvenir au paroxysme des émotions.

Sans perdre un instant, déguster suavement…

La crise d’angoisse

Plus fort que la peur
La panique violemment
Poignarde mon corps.

Fulgurante attaque
L’angoisse me tétanise
Hurler, m’effondrer.

Poitrine enserrée
Dans l’étau froid de ses griffes
Ses assauts m’étouffent.

Cœur au bord des lèvres
Chute abyssale sans fin
Fuite compromise.

Terrassée, prostrée
Dépossédée de moi-même
Ame à la dérive.

Inégale lutte
Un ennemi sans visage
Sûr de son pouvoir.

Pas de port en vue
Sous mes pieds s’ouvre le vide
Aucune maîtrise.

L’angoisse ravage
Déferlante par surprise
Sûre de détruire.

Inexplicable
D’où a-t-elle pu surgir ?
Inexprimable.

Elle se repaît
Du poison qu’elle distille
Goulûment, sans fin.

Faux espoir

Je vous ai attendue, en vain, avec à la main
Mon dérisoire petit bouquet de jasmin.
J’aurais pu attendre là jusqu’à demain,
À guetter vos pas menus sur le chemin.

Pourtant vous languissiez d’impatience.
Malgré votre apparente insouciance,
Dans un soudain sursaut d’inconscience
Vous aviez exigé une courtoise audience.

Je ne peux pas me résoudre à l’évidence,
Revisite en pensée notre correspondance.
L’un comme l’autre avançant avec prudence
Sur le chemin du cœur et des confidences.

Votre cœur… Je l’imaginais déjà palpiter,
Me suppliant pour toujours de l’abriter,
Certain que vous auriez cultivé la fidélité.
Avec quel bonheur j’aurais tout accepté !

Dans mon esprit, c’était comme acquis :
Votre amour frémissant m’était exquis.
En mon âme où ma soif de vous naquit,
Votre délicate timidité m’avait conquis.

Rassurez-moi vite, farouche jouvencelle :
Vous n’avez pas osé venir dans la venelle ?
Tranquillisez-moi, gracieuse demoiselle,
Vous étiez apeurée, telle une hirondelle.

Vos yeux ne m’avaient pourtant pas menti
Sur vos sentiments, je l’avais bien ressenti.
Sur votre bouche gracile, en moi retentit
Le clair murmure de votre amour pressenti.

N’aurais-je donc rien soupçonné, rien compris ?
M’auriez-vous, comme un vulgaire malappris,
Chassé de votre cœur avec un cruel mépris ?
Détrompez-moi, je vous supplie, je vous en prie…

Ce couple, tout là-bas, hanche contre hanche…
Cette vision suscite en moi une avalanche
De déception et de chagrin mêlés. Je flanche.
Dans le noir de mon désespoir, je me retranche.

C’est fini désormais, aucun motif d’espérer.
Vous avez été un doux rêve à peine effleuré.
Votre orgueil vous a conduite à m’ignorer,
Vous n’avez pas redouté de me déchirer.

Devant cette infâme cruauté, je capitule.
Attendre après vous relèverait du ridicule.
Face aux passants, mon malheur je dissimule,
Et m’éloigne, le cœur seul, dans le crépuscule.