Joute sensorielle ou sensuelle ?

Soudain luit l’arc-en-ciel de ton charmant désir…

Soudain luit l’arc-en-ciel de ton charmant désir,
Un brin facétieux, senteur de convoitise.
Ton sourire enjoué, je le veux, le courtise,
Tu ambitionnes d’aller me conquérir.

Ton visage s’éclaire d’airs malicieux,
Dans les rets de mes cils, mon regard te capture.
Mes yeux gourmands sondent de ta peau la texture,
Ton aplomb me pique de clins d’œil camaïeux.

Nos doigts s’apprivoisent, nos mains nous retenons,
Ton désir écoute ma bouche parfumée.
Ma peau te respire, tout d’amour consumée,
Un goût de pain d’épice invente ton prénom.

Nos sens en harmonie chantent à l’unisson
Une partition vibrante de nuances,
Tremblent en silence, s’unissent d’innocence,
Se conjuguent d’emblée dans un tendre frisson.

Nos âmes s’effleurent dans un jeu sensuel,
Et sens dessus dessous, mais en délicatesse,
Nos sens extasiés se moirent de tendresse
Face à ce langage commun sensoriel.

Les échanges verbaux n’ont plus d’utilité…
Voyageant sous le sceau d’émotions sublimes,
Nos sens chantent la joie de cette joute intime
Nous découvrons le sens même de la beauté…

Quand la beauté nous fait vivre

Figé par la grâce de cette silhouette,
Il accueille en son cœur le sentiment brumeux…

Figé par la grâce de cette silhouette,
Il accueille en son cœur le sentiment brumeux
D’une joie intrinsèque aux accents lumineux,
A contempler, ému, la danseuse fluette.

Plus loin, dans un musée, au hasard de ses pas,
Il se laisse happer par les tons d’une toile,
S’arrête, subjugué, comme si une étoile
Tombant depuis le ciel se nichait dans ses bras.

Lorsqu’un paysage se dévoile d’emblée,
Une solennité l’étreint soudainement.
Son âme s’élève, rejoint sereinement
D’autres dimensions ; elle se sent comblée.

Rien n’est aussi puissant que ces émotions.
D’origine esthétique ou contemplative,
Elles sont la conscience aigüe, fugitive
De la vie fugace, de son expression.

Il éprouve dès lors l’irrésistible envie
De nourrir son âme du sens de la beauté.
Elle guérit, offre l’intériorité
Dont il ressent la soif toujours inassouvie.

C’est la certitude d’être une part d’un tout,
De trouver un indice ou même une promesse
Vers une fascinante ébauche de sagesse,
Voire d’éternité avec son avant-goût.

 

Dans le doute

Pourquoi ce mutisme ? Ma plume, tu me brimes…

Pourquoi ce mutisme ? Ma plume, tu me brimes…
Cesse de m’ignorer ; sur le papier chagrin,
Tel un brouillard d’hiver muselant mon jardin,
Déchire la brume, pour que l’émoi m’anime !

A tenter de cueillir prudemment chaque rime,
Son parfum m’échappe, évanescent butin.
L’angoisse m’étouffe, proclame mon déclin
Qui assèche mes mots, les jette dans l’abîme.

Je taraude mes sens pour saisir et coucher
La moindre intuition qui pourrait me toucher.
Je m’abreuve de vers, me nourrit de leur rythme.

Mais je suis dédaigné par l’inspiration.
Elle se joue de moi, se transforme en énigme.
J’ai perdu mon défi : créer l’émotion.

Amours contrariées

Vous avez imploré un rendez-vous courtois.
Avec mes fleurs des champs, je vous ai attendue…

Vous avez imploré un rendez-vous courtois.

Avec mes fleurs des champs, je vous ai attendue,

A guetter inquiet, votre allure menue.

J’aurais pu attendre longuement plein d’émois.

 

Rassurez-moi vraiment, farouche jouvencelle :

Vous étiez apeurée, tel un oiseau captif ?

Apaisez mes craintes, beauté à l’air rétif :

Vous n’avez pas osé venir dans la venelle ?

 

De votre désaveu, n’ai-je rien soupçonné ?

Vous m’avez écarté, vous aux élans si nobles,

Chassé de vos pensées, pour quel motif ignoble ?

Détrompez-moi vite, serais-je abandonné ?

 

Ces amants enlacés sur un banc de lumière

Accroissent ma peine, décuplent mon tourment.

Le soleil vacille, pâlit subitement.

Aucun motif d’espoir, ma douleur est entière.

 

Vous fûtes un doux rêve à moitié effleuré,

Votre orgueil me blesse, mon futur est exsangue.

Mes sentiments sont pris dans une épaisse gangue,

Alors je chavire, par la vie, effaré.

 

Je capitule donc, face à cette injustice,

Y croire encore un peu serait trop insensé.

Je cache mon malheur, par l’angoisse embrassé,

Dans le crépuscule, le cœur noir, je m’enfonce.

Le passage

 

J’ai découvert un chemin étonnant, peuplé de visions étranges, bordé de paysages fantastiques invisibles à d’autres yeux que les miens. Son départ n’est pas bien marqué. Ou bien est-ce mon imagination qui le dessine pour moi, comme une invitation à suivre cette voie incertaine ? Insensiblement, j’en ai franchi les premières longueurs.

Je le suis d’abord sans conviction, me hasarde dans l’impénétrable, persuadée qu’il ne mènera nulle part. Et si nulle part était en soi ma destination ?

Enfin, le chemin s’élargit. A bien y réfléchir, c’est peut-être moi qui l’ai défriché, tentée par ce que je pressentais trouver. Il sinue, je n’aperçois jamais la fin, ma curiosité constamment maintenue en éveil.

Des zones de pénombre se meuvent en silence, me rejoignent et me cernent. D’où viennent-elles, d’ailleurs, puisque je ne saurais dire si le ciel éclairait jusqu’alors ma progression. Des gris, des noirs et des sombres envahissent mon espace visuel, resserrent leur étreinte. La peur m’emboite le pas. Mon ombre aussi, accompagnée de sa propre ombre, encore plus noire. Elles s’infiltrent en moi, s’imposent comme l’expression d’une part inconnue de moi-même. Au demeurant impossible à réfréner. Avec quelles intentions ? A chaque foulée, mes repères s’évanouissent. Même le sol se dilue dans la nuit. Place aux marécages qui retiennent mes forces. Dans un bruit de succion, ils annihilent ma volonté.

Rebrousser chemin serait plus sûr, il en est encore temps. Mais je ne m’appartiens plus. Me voici détachée de la réalité. J’en ai perdu la clé. Ce lieu exerce sur moi un pouvoir fascinant auquel je ne peux me soustraire. Il a paralysé ma raison ; sa voix est moins qu’un murmure. Un sentiment nauséeux s’installe en moi, causé par cette attraction irrésistible dont je suis victime. Victime ou en recherche ?

Le chemin descend maintenant dans des mondes souterrains. La noirceur s’intensifie. Fantômes et cauchemars me harcellent de toutes parts. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Je bascule sur le toboggan intérieur de mon être. Je le dévale sans plus rien maîtriser. Mes pensées tourbillonnent, accélèrent, s’entrechoquent et se heurtent dans mon crâne, prêtes à le faire exploser. Ce doit être cela avoir des bleus à l’âme… ai-je le temps de penser, malgré moi.

Soudain, un flash électrique dans les ténèbres de mon âme. Avec fulgurance, un paradoxe surgit devant moi : je suis là, j’existe bel et bien, et pourtant je sombre. Le rideau de mes paupières me refuse son rôle protecteur : je ne peux que constater. Suis-je devenue une morte-vivante à respirer ce lieu funeste et cauchemardesque ? Ou bien étais-je déjà celle-là avant de commencer ce voyage ?

Il y a urgence. Le temps presse. Lentement, mon corps semble basculer. Inexorablement, un point de non-retour se profile. Me voilà irrésistiblement attirée. Me décrocher de cet ailleurs… Son appel, je l’entends… Non, ce n’est pas un appel. C’est une attraction. Hypnotisée… Oui, je suis hypnotisée. Engluée. Existe-t-il une issue ? De quel côté ? Mais pourquoi chercher ? Ne plus faire d’effort, me laisser aller… Je navigue entre deux mondes, je dérive. Tendre les bras, essayer d’agripper une ébauche de velléité ? A quoi bon ? Le voudrais-je que je ne le pourrais pas. Entre envie et volonté, je rends les armes.

Glisser au-delà, au-delà de moi-même, descendre sans fin, flotter au gré des courants, d’un univers à l’autre, visiter des lieux que personne n’a jamais contemplés, des lieux troubles, interdits… Voilà ce qui habille mon désir, ce qui m’envoute.

Ce passage m’a conduite au seuil d’un monde qui se dessine de regard en regard. Je hume déjà d’autres parfums que je ne connais pas. Est-ce la liberté qui m’attend au bout ou bien la folie ? De quel côté se situent l’une et l’autre ? Je suis désorientée. Derniers questionnements avant de m’abandonner totalement.

Une voix cisaille violemment cet enfer : « Arrête ! » D’un seul coup, tout se fige autour de moi. Tout est relativisé, recule, se retire comme la vague sur la plage. L’étau se relâche.

Ma conscience soudain réanimée, je remonte comme un automate, péniblement, à la force des bras. J’obéis. Machinalement. Je rampe sur les décombres de ma vie. Mais mon corps se fait lourd, mon âme m’exhorte à rester au fond, exigeant de visiter ces autres mondes que je devine. Elle me défie et se moque de mes hésitations. J’entends des incitations mystérieuses autant qu’impérieuses : « Retourne-toi, viens voir… Juste une fois. »

Grande alors est la tentation de céder, de quitter cette vie que je traverse en ayant parfois l’impression de ne pas l’habiter. J’ai le vertige. Dois-je lâcher ou tenir ? Pour qui ? Pour quoi ? Cet autre ailleurs qui se laisse entrevoir, je le sens à portée de main, à portée de pensée. Est-ce ainsi que se dévoile la folie ? Est-ce ainsi qu’elle déploie ses pièges ?

Mais la voix insiste d’une autre façon : « Arrête, Maman ! »

Je sais maintenant ce que j’ai à faire.

 

 

La maison orpheline

 

Tout dans cette maison me parle de silence,
Ecoute cependant ma mémoire frémir.
De la marque du temps, je ressens le soupir,
Les souvenirs affluent, nacrés d’opalescence.
Le parfum d’une vie souffle la confidence ;
Tapi dans une armoire il persiste à fleurir,
Ce goût d’un autrefois qui se laisse saisir,
Dont la magie influe, telle la providence.
Ecrits au sépia d’un calame discret,
Mes états d’âme créent un entrelacs secret,
Exacerbent sans fin un émoi péremptoire.
Il me plaît de rêver, toi, lieu déshabité,
Que vienne te nourrir une nouvelle histoire :
Le roman d’un amour à jamais abrité.

Sur le Quai de la Vie

12 pieds

Sur le Quai de la Vie paradait un galion,
Ses cales emplies d’une cargaison légère :
Les rêves et les espoirs que nourrit tout être.
Fier et coloré, il fleurait bon l’illusion.

Sa vision gonflait les voiles de mon orgueil,
Autant qu’elle ancrait fermement mes certitudes ;
Ses canons assenaient lourdement des principes.
Son nom même était fracassant : l’Incontestable.

Une nuit cependant, le vent se déchaîna,
Agressant mon bateau de sa noire furie :
Il mordit, brisa, éventra puis disloqua
Avant d’abandonner des décombres épars.

Mon vaisseau et mes convictions avaient sombré,
Tandis que l’horizon, peu à peu dégagé,
M’apprit que j’avais tressé des cordes de sable
Dans un marécage de vérités trompeuses.

L’entre-temps

Sonnet

Elle s’est immiscée, dans un soupir fluet,
Discrètement, d’une démarche subreptice,
Elle s’est glissée dans un infime interstice,
Insoupçonnable, imperceptible, muet.

Entre les strates de sa vie qui s’arrêtait,
Au bout de tout ce temps qui perdait sa texture,
Se dévoilait ce passage, une ouverture,
Une transition pour elle qui hésitait.

Comment se délier, comment lâcher la main,
Ultime épreuve au caractère surhumain.
Elle quémande un infime fragment de temps.

Ouvrez votre cœur à son murmure irréel,
Cultivez ce parfum qui partout se décèle.
Ecoutez bien : elle se tient dans l’entre-temps.

Apprentie-sorcière

J’étais… plutôt contrariée. Je savais, pour avoir fréquenté certaines lectures…

J’ai rassemblé tous les ingrédients : verbes, sujets, ponctuations, majuscules, compléments… Les ai ensuite associés en veillant bien à la cohérence de l’ensemble, au respect de la sémantique, des concordances de temps, de la grammaire…

Pour juger du résultat, ma voix s’est élancée, a déclamé mon texte. Mais elle est restée accrochée dans les stridences de sonorités disgracieuses, dans les dissonances de certains mariages malencontreux.

J’étais… plutôt contrariée. Je savais, pour avoir fréquenté certaines lectures, qu’une phrase, à elle seule, peut être jolie et agréable à lire autant qu’à écouter. Alors, pourquoi étais-je boudée par l’écriture ? Pour quelles raisons obscures se refusait-elle à ma plume ? Quel secret détenaient les écrivains, notamment les poètes ?

Je voulais comprendre, agir… Je suis partie me perdre dans le dictionnaire, certaine de trouver des réponses. A la fin de mon périple, j’avais retenu tous les termes. J’aurais pu les réciter dans un sens de l’alphabet ou dans l’autre. Mes yeux embusqués derrière des lunettes 3D, j’avais traqué le relief de chaque mot, pris la mesure de ses dimensions cachées, de ses multiples facettes. C’est dire si j’avais une connaissance intime de cet ouvrage de référence. Plus question de me prendre dans les épines des contre-sens, de chuter dans les pièges des barbarismes ou encore les embûches des néologismes.

En conquérant sûr de lui, je me jetai sur une feuille blanche, brandissant mon stylo-plume-épée. Je grattai le papier énergiquement, fière d’esquiver toutes les difficultés et prête à porter l’estocade par un point final. Mon stylo-plume-épée en ressorti tout émoussé d’avoir tant bataillé.

Pour juger du résultat, ma voix s’est élancée, a déclamé mon texte. Mais tout m’a paru sans vie. Terne, dénaturé, totalement insipide.

J’étais… vraiment contrariée. Je savais, pour avoir goûté au breuvage de certains poèmes, combien l’ivresse ressentie emporte vers des voyages vertigineux dont on revient, encore baigné de leurs embruns vivifiants. Alors, pourquoi mon écriture était-elle aussi inerte ? Pourquoi mes yeux se traînaient-ils, de phrase en phrase, englués dans un ennui que ne chassait aucune figure de style, aucun mot pourtant choisi minutieusement ?

Je voulais comprendre, agir… Je suis donc repartie et cette fois-ci, j’ai laissé dériver mon âme sur les méandres de récits palpitants. J’ai frissonné sous les avalanches de mots, goûté le sucre de styles d’écriture dont le tempo musical m’exaltait. Mon imagination s’enflammait, partait au galop à travers des champs lexicaux répertoriés dans aucun ouvrage.

Encore étourdie par ce voyage, la tête éblouie de sensations merveilleuses, je voulais savoir aussitôt ce que j’avais retenu de ce périple sauvage.

Avec humilité, je choisis un papier vélin, le recouvrai délicatement de ma main, fermai les yeux. Je vis aussitôt s’ouvrir des chemins ; ils m’engageaient à les raconter. Je voyais le possible venir à moi.  Ma plume se glissa tout naturellement entre mes doigts. Ils caressaient le papier, soulevaient des coins de brume pour dévoiler des paysages peuplés de pages d’écriture ondulant sous le souffle de l’inspiration. Ils dépoussiéraient mes yeux pour me révéler des forêts de poésies. Les arbres étaient autant de calligrammes, chaque vers retombant gracieusement au-dessus de rivières colorées à l’encre des mots. Des fleurs attendaient d’un poète qu’il vienne les butiner, car chaque étamine exhalait un doux parfum d’émotion à naître.

Pour juger du résultat, ma voix s’est élancée, a déclamé mon texte. Puis, le silence, empli de mille échos ressemblant curieusement à ces mêmes sensations éprouvées lors de mes lectures.

J’étais…  assurément chamboulée. J’avais su identifier les émotions, les apprécier pour les revêtir de mots à leurs dimensions. Mais j’avais su aussi les apprivoiser et les amener à se conjuguer pour un formidable feu d’artifice. Bouquet final émouvant à en devenir vertigineux. Bouleversant à en trembler intérieurement. Un poème était né. Ferait-il frissonner son lecteur ? Possédait-il un avenir ? Avait-il un futur à… écrire ?

Rêverie

J’ai déposé sur ma feuille
Quelques mots pris au hasard.
Au hasard de mes rêves,
De mes joies et de mes peurs.

J’ignorais où cela me mènerait
Tant j’ai laissé ma plume divaguer.
Divaguer et délirer sans limite,
L’esprit ivre de liberté infinie.

Les mots cascadaient en couleurs,
Leurs embruns chargés de douceur.
Douceur fragile du moment,
Inimitable parfum de sérénité.

Qu’avais-je bien pu écrire
Pour m’apporter cette paix ?
Paix impalpable, irréelle,
Et pourtant si présente en moi.

Je ne pus jamais déchiffrer
Ce que mes doigts avaient tracé.
Tracé indistinct d’un instant éphémère
Où j’avais su lâcher prise.