Surveillance rapprochée

(9 pieds)

Je vous observe à la dérobée,
Votre charme me fait succomber.
Derrière le rideau de mes cils,
Mon appétit devient indocile.

Votre attention soudain éveillée
Vous alerte sans vous effrayer.
Pris dans le faisceau de mon regard,
Votre sourire sur moi s’égare…

Me voici à mon tour dans les rets
De vos yeux furtifs couleur forêt.
Légère accélération du cœur,
Quand la proie se transforme en traqueur.

De cet affrontement sensuel,
De ce duel muet ton pastel,
Naîtra une passion éphémère
Ou une histoire d’amour princière.

Voyage amoureux

Concours de littérature Regards – Moutiers Les Mauxfaits – 2018

Dans la soie bleutée de cette nuit, je conspire,
Allongée nue auprès de toi qui me respires.
Mes désirs s’organisent, un plan s’échafaude,
Pas de sursis pour cette envie qui me taraude.

Ta main, en bonne ambassadrice de tes sens,
Se saisit de ma nuque et ainsi me devance. 
Quand, sur mes épaules, elle fait sourdre un frisson,
J’entrevois le brasier vers lequel nous glissons.

Tes doigts sur mon dos cachent mal ton impatience,
L’écho de leur passage bride ma méfiance.
Ils se laissent échouer dans le creux de mes reins,
Le temps d’un frêle soupir faussement serein.

Ta main se fait plus chaude, elle m’électrise,
Pique ma sensualité, me magnétise.
Elle irradie jusque dans mon ventre palpitant,
Déjà gagné à tes arguments percutants.

Tu remontes ensuite le galbe de mes fesses,
La paume de tes mains les étreint et les caresse.
Ma fébrilité me consume entièrement,
Je veux t’accueillir plus que tout en ce moment.

Facétieux, tu décides de temporiser,
De me faire languir, toi, mon amant rusé…
Tu effleures trop vite mon intimité,
Ignorant d’un sourire ce jardin fruité.

Tu as trop joué ou pas assez avec moi :
Je laisse parler mon appétit en émoi.
Te voilà maintenant pris à ton propre piège,
Car je me saisis de toi, entreprends ton siège.

J’aime ces retournements de situation,
Pouvoir imposer ma propre ponctuation.
Sur cette Carte du Tendre où nous avançons,
Le raffinement en amour est notre moisson.

Dans la soie de cette nuit bleutée, tu conspires,
Allongé nu auprès de moi qui te respire.
Mélange sensuel de nos désirs légers,
D’amour en ivresse, nous avons voyagé.

Décliner « Se Rappeler » & « Envisager »

Se rappeler ce pont ébauché entre nous,
Revivre les espoirs qui, alors, se renouent,
Se remémorer cette approche à  pas feutrés,
Retenir ce souffle qui nous a pénétrés.

Garder nos premiers mots d’amour en arc-en-ciel,
Revoir notre passion grandir vers l’essentiel,
Se souvenir du chemin où je t’ai suivi,
Reconnaître ce bonheur qui lie nos deux vies.

Ce paysage palpite derrière nous.
Il est notre terreau et rien ne le dénoue.
Et parce que de nouveaux sentiers nous attendent,
Nous nous en remettons à leur tendre demande.

Envisager l’avenir comme guérison,
Regarder désormais vers le même horizon,
Oser cette partition, mais à quatre mains,
Observer la quiétude de nos lendemains.

Imaginer être cette rivière vive,
Se projeter dans la quiétude de ses rives,
S’élancer ensemble, rassurés de confiance,
S’épanouir, maintenant, en toute insouciance…

S’il m’était donné

Dans une autre vie, je serai un aigle royal.
Je m’élèverais plus haut que les nuages,
Plus haut que le ciel.
Je tutoierais Dieu,
Poserais sur lui mes yeux acérés,
Lui demanderais : pourquoi ?
J’irais au-devant du soleil,
Cueillir ses rayons, en fleurir tes cheveux.
Je l’accompagnerais jusqu’à son déclin,
Rapporter sa dernière chaleur, t’en envelopper.

Mais je ne suis qu’une hirondelle.
Un élément de décor dessiné là par Dieu.
Dans mon habit noir et blanc,
De mon vol rapide et silencieux,
Je t’emporte tendrement,
Mon amour de cristal,
Vers ce lointain qui t’arrache un peu plus à moi,
Après chaque battement d’aile.
Déjà flotte sur ton visage un sourire étrange.

Dans une autre vie…

Recherche expérimentale

Qui sème le vent récoltera la tempête.
Ce proverbe résonne comme une sornette…
En opposition avec cette affirmation,
Je décide de prouver la contradiction.

Mon laboratoire aussitôt improvisé
Cherche un cobaye innocent à utiliser.
Ce sera donc toi, parfaitement inconscient
De ce qui s’ourdit dans ton repos insouciant.

Claquent mes talons pour te sortir de ton rêve !
L’expérience commence, entre nous plus de trêve…
Volète ma jupe grâce au mistral complice !
Le galbe de mes jambes te met au supplice…

Mon regard en coin dévoile mes intentions,
Tandis qu’en toi se devine une agitation.
Je pose sur ta nuque mon souffle léger
Dans tes yeux, je lis que tu m’as envisagée…

Mais je n’ai pas terminé avec mon essai.
À ta virilité maintenant j’ai accès
Elle s’exalte à ma chaude respiration,
Balayant d’un seul coup toute modération.

Une véritable tempête se déchaîne
Dans une danse des corps folle et aérienne.
Conclusion de mon test : force m’est d’avouer
Avoir éprouvé grand plaisir à échouer.

La Guibaudié

Elle est cachée dans le creux d’un terrain,
Offerte malgré tout au vent marin.
Un écrin de bois et de prés l’enserre,
Ballotée par les vagues des blés verts.

Maison construite loin de tout village,
Son histoire se confond avec son âge.
Autant refuge que havre de paix,
Elle offre trêve dans ses murs épais.

Écoutez son silence assourdissant :
Il invite au repos étourdissant.
Celui qui régénère pour réparer
Même ceux qui se voient désemparés.

Elle est survenue dans mon existence,
Procurant à mon cœur sa subsistance.
Toujours présent, ton amour m’attendait,
Saison après saison, s’échafaudait.

Je l’ai quittée ce matin de juillet,
Sans regarder, comme si je fuyais.
Mais je t’ai emmené au fond de moi,
Pour vivre enfin au grand jour nos émois.

Musicalement

Cette musique l’envoûte. Alors…
Ses pensées s’échappent vers lui…
Son corps oscille doucement.
Elle tourne et virevolte.
Ses arabesques dansent son amour,
Sa souplesse chante son désir.
Elle ondule sur la partition,
Sans bien trop savoir si elle rêve.
Sur les notes délicates, tressaille,
Le cœur en dentelle empli d’émotion,
Les yeux mi-clos, elle se sent belle.
Valse lente des sentiments épurés
Qui la berce et l’entoure comme deux bras…
Soudain, ses mouvements gracieux se figent :
Il est là, un sourire éclaire ses lèvres.

Ce soir

Seule dans la nuit.
Je ne veux personne avec moi.

Silence autour de moi.
Silence en moi.

Je lui parle.
C’est à mon tour de lui raconter.
Tout ce que je n’ai jamais su dire.
Tout ce que je n’ai jamais pu confier.
Les mots se libèrent et suivent leur chemin.
Même si ma bouche reste muette.
Écoute, mon Père… Écoute-moi…

Silence autour de moi.
Silence en moi.

Voilà. Parole libératrice.
Rencontre à l’improviste.
Parce que cette nuit était celle-là.
Celle que j’attendais sans le savoir.
Pour lui dire. Enfin…
L’arbre qui était le sien vit toujours.
Il continue à me donner de beaux fruits.
J’honore autant ses racines que sa fière couronne.
Il me reste encore un ultime point à éclaircir…
Mon Père… Quelle image as-tu de moi ?
Je doute tant dans ma vie.

Silence autour de moi.
Silence en moi.

La réponse vient d’elle-même.
Elle était en moi depuis toujours.
Je suis rassurée…

Faux semblant

Était-ce un rêve ?
Sa joue à peine effleurée qu’elle en douterait.

Peut-être un songe ?
Ce souffle léger et ténu sur son visage.

Ou même un mirage ?
Sa bouche caressée par un baiser furtif.

Pourquoi pas un espoir ?
Cette silhouette penchée au-dessus d’elle.

C’est un cauchemar.
Ses yeux s’ouvrent sur le noir de la nuit.

Une hallucination imparable.
Les ombres de ses espoirs s’évanouissent.

Un vrai tourment.
Ce lit vide dans lequel elle a très froid.

Une sourde torture.
L’absence de l’être aimé qui vrille son cœur.

L’autan

À la faveur du printemps, il a déboulé.
Il était pourtant facile de deviner :
Des signes avant-coureurs s’étaient installés.
Il suffisait d’écouter et d’examiner.

Ces paysages aux contours beaucoup trop nets,
Le ciel saphir intense, quasi métallique…
En fin de journée lorsque chante la rainette,
Un infime souffle brise l’instant idyllique.

Une feuille a frémi, on pourrait en douter.
La texture de l’air semble s’être alourdie.
Un frisson imperceptible mais entêté,
L’autan est quasiment là, encore assourdi.

Dans la nuit, il s’impose déjà, impressionne.
Le jour se laisse surprendre par sa violence.
Il s’insinue partout, s’amplifie, tourbillonne
Et emmène tout dans sa folle véhémence.

Il malmène ce qui se trouve à sa portée.
Rien ne lui échappe : il courbe les arbres,
Éparpille les fleurs, et brise sans compter
Ce qui résiste, et contre lui se cabre.

Il s’infiltre jusque dans le cœur de tout être,
Qu’il soit végétal, animal comme humain.
Il les cerne, les tourmente, devient leur maître.
Chaotique, le vent fou poursuit son chemin.

Ses turbulences, aléatoires, surprennent.
Floraison échevelée et précipitée,
Hommes, bêtes irritables et peu amènes,
Air électrique surchargé d’aridité.

Mais cela suffit de médire sur l’autan.
J’aime me laisser emporter comme un fétu,
L’écouter siffler sa rage, impénitent.
C’est l’enfant du pays, volatile et têtu.