Fantasme au masculin

C’est un soir sans but, un soir insignifiant. L’ordinaire d’une journée morose qui s’achève. C’est un homme sans but, insignifiant parmi les passants qu’il côtoie sur ce trottoir ordinaire d’une ville morose.
Mains aux poches, tête enfoncée dans les épaules, il a froid.
Clac, clac, clac… D’abord, il ne prête pas attention à ce bruit venant derrière lui. Pourtant, il se répète, se rapproche même, surgi du brouhaha de la foule. Bruit reconnaissable et caractéristique des talons aiguille…
Son imagination s’enflamme… Il se figure ces escarpins qui le suivent. De cela, il est sûr. Son appétit soudain en alerte découvre des chevilles fines et nerveuses, un pied délicieusement cambré comme le corps d’une femme s’abandonnant à l’amour. Il fantasme sur les jambes aux mollets galbés à merveille. Les cuisses légèrement dévoilées par une jupe légère laissent entrevoir des atours auxquels il ne pourra que succomber. La taille prise dans un corset de soie rehausse la poitrine haletante et laissent s’échapper des épaules à l’arrondi parfait.
Son cœur bat maintenant au rythme de ce martèlement persistant. Cette attente insoutenable l’incite à prendre l’évidente décision : se retourner vers cette femme et admirer son visage qui ne peut qu’être parfait, à la hauteur de son rêve.
Dans une volte-face rapide, il découvre enfin ! celle qui l’a déjà conquis.
Il se retrouve nez à nez avec une grand-mère à la démarche énergique, battant la mesure sur le pavé de son parapluie fermé.