Inexorable refrain

Il porte tout le poids de sa vie sur ses épaules affaissées.
Il a l’âge de ce mur de pierres sèches contre lequel il vient s’asseoir.
Cette année, le printemps ne rallumera plus en lui la flamme.
Mais il ne le sait pas encore.
Ses mains engourdies caressent le fragment d’une lettre jaunie.
Sa tête inclinée sur le texte laisserait penser qu’il lit,
Mais ses yeux clos retiennent des souvenirs presqu’éteints
Qu’il tente de ranimer en fouillant sa mémoire lacérée
par le temps.
L’encre, depuis longtemps délavée par ses larmes,
Livre cependant l’ombre des mots d’amour psalmodiés
À celle qui ne vit plus que dans son pauvre cœur.
Chaque mot est une déchirure supplémentaire infligée à son âme.
Il implore la mort de rompre ce lien ténu qui le garde ici-bas.
Il jette alors ses maigres forces dans cette ultime prière
Qui n’arrive même pas au ciel, de tant d’épuisement.
Cependant, l’ombre du mur grandit, s’étend à l’approche
de la nuit.
Elle l’enveloppe maintenant et enserre son cœur.
Derniers battements, dernier souffle.
Peu à peu, son corps se fond dans cette froide obscurité.
Est-il devenu pierre ou bien cette poussière balayée par le vent ?
Le temps s’écoule, quelques secondes, une vie ou une éternité…
C’est déjà demain. Au bout du sentier inondé de soleil,
Deux jeunes amoureux marchent hanche contre hanche,
Se tiennent par le bout des doigts frémissants,
Viennent s’asseoir contre le mur de pierres sèches
gorgées de chaleur.
Le jeune homme pense à cette lettre d’amour au fond de sa poche
Qu’il va murmurer tout à l’heure à sa douce, amoureusement.
Ils laissent le printemps écrire leur amour qu’ils veulent éternel,
La brise tiède tourne les pages de leur vie
Qui éclate autour d’eux avec insolence.