Les mots

Ils sont là, je les retrouve !!! Les mots affluent, ils sont revenus ! Mon vocabulaire est de retour, il se dévoile à moi !

Telle une vieille connaissance, tel un ami perdu de vue, je prends un immense plaisir à les revoir. C’est réellement un ressenti visuel, autant que sensitif.

Je les caresse de mon regard parce que je ne peux pas les prendre dans mes bras, je les prononce comme on nomme un être cher, je les lis de tous mes yeux pour que leur parfum se répande dans les méandres de mes neurones. Je veux en garder une trace olfactive par peur de les perdre à nouveau. Invisibles chemins que je trace ainsi en moi…

Parce que les mots sont pour moi synonymes de festival de couleurs, de feu d’artifices de sensations éprouvées au plus profond de mon être, je les accueille avec un bonheur indicible et inégalé.

Ils sommeillaient dans mon cerveau, j’avais perdu le chemin qui me menait jusqu’à eux, leur trace avait disparu. Où les chercher ? Comment les retrouver ? Mon angoisse n’avait d’égale que le vide laissé par eux. Une sorte de barrage impalpable, immatériel et surtout infranchissable, s’intercalait entre eux et moi. J’étais séparée, privée d’eux, et ne plus pouvoir jouer avec, était pour moi un déchirement.

Mes paroles ressemblaient à un lit de rivière asséché, où quelques flaques d’eau erratiques rappelaient vaguement ce qu’elle était de son vivant. J’avais égaré leur saveur et mes mots, devenus fades, retombaient inertes. J’avais oublié leurs couleurs et mes écrits, rendus ternes, se desséchaient. Effacé de ma mémoire leur fabuleux pouvoir de se combiner entre eux pour répondre à une étrange alchimie qui rime avec magie. Privés de cette rondeur qui leur confère de l’harmonie et ouvre la porte aux émotions, à quoi bon m’exprimer et surtout, comment y parvenir ? Je n’avais plus matière à dire, une part de moi-même s’était éteinte car le lien entre ma bouche et ma mémoire était rompu.

Désormais, il s’est recréé, je vais aux devants des mots ou bien s’agit-il d’eux-mêmes qui s’avancent vers moi, je ne sais plus. Peu importe, ils sont là…