Les facéties de la plume

Reprends ta plume seulement quand chante son appel.
C’est elle qui décide de cette relation confidentielle
Entretenue de façon quasi-fusionnelle avec toi.
C’est elle qui choisit de s’enlacer à tes doigts. 

Je sais, tu pourrais être tenté de croire l’inverse
Et de réfuter la vérité faisant d’elle ta maîtresse.
Tu pourrais te targuer de lui dicter tes volontés
Alors que ton esprit se met au service de son agilité.

Je connais ta frustration face au mutisme de ta plume,
Quand ton inspiration lutte contre ce voile de brume.
Il emprisonne toute créativité, recouvre de torpeur
Toute tentative sous tes yeux désapprobateurs.

Je comprends ta déception devant le vide sidéral :
Il t’angoisse en l’absence d’un sujet magistral
Sur lequel tu aurais pu faire éclater ton talent.
Ta plume t’a trahi, toi pourtant d’habitude excellent !

Le constat maintenant dressé, quelle alternative ?
Tu peux opter pour une écriture approximative.
Mais, à juste titre, il est inconcevable de t’en contenter.
Il est donc temps de choisir tes armes et de les affûter.

En premier lieu, apprends à attendre, à temporiser.
Nourris-toi de patience. Plusieurs jours pour t’apaiser.
Propose à tes yeux des paysages de légères aquarelles,
Cueille pour tes narines des odeurs inhabituelles.

Puis, offre à ton corps l’air pur, vivifiant de la montagne,
Prends la puissance de la Nature comme compagne.
Laisse courir tes mains dans les herbes sauvages,
Renoue enfin avec  la Terre, ressens ce nouvel ancrage… 

Tout est ainsi réuni pour susciter la curiosité de ta plume,
Dont la respiration te recouvrira bientôt de son écume.
Celle-là même qui t’apportera le sel de l’écriture.
Ta main s’en saisira sur le seuil d’une belle aventure.