Toujours en panne

 

Envie d’écrire…  Excitation en moi identifiable.
Ma main ne demande qu’à ciseler ma pensée,
Elle se fait docile, mais piaffe d’impatience.
Toutes les conditions sont réunies pour créer. 

Or, mon esprit regimbe, sourd à mes appels,
Se roule en boule comme le chat fait sa sieste.
Mise devant le fait accompli de sa mutinerie,
Je ne puis que constater ma perte d’autorité. 

Pendant ce temps, ma main, qui n’a rien compris,
S’énerve, s’emballe et mes doigts trépignent.
Sur le point de perdre la face ou ce qu’il en reste,
L’urgence est de réagir et de trouver une parade.

J’avale le dictionnaire indigeste page après page,
Mot après mot, et pars vers un improbable voyage
Débouchant dans un univers sans queue ni tête.
Comment un poème pourrait-il y trouver source ?

Mes yeux se posent avec minutie sur le paysage
Pour tenter d’en extraire un sujet d’inspiration.
Mais les ombres de cette fin de décembre
Tombent rapidement. Extinction du tableau.

Alors mes mains s’emparent d’objets anodins,
Les soupèsent, les interrogent, les ressentent
Comme le ferait un cristallier d’une roche.
Aucune gemme ne les habite. Déception…

J’écoute la musique du silence environnant
Pour tenter de percevoir en moi un frémissement.
Celui qui me donnerait l’amorce d’une écriture,
Fil conducteur de cette histoire qui ne vient pas.

Mutisme le plus absolu de mon environnement.
À croire que tout est privé de vibrations, de vie.
Coup d’œil vers le piano ? Inutile de l’interroger,
Le couvercle fermé de son clavier sert de réponse.

C’est évident, la fibre poétique s’est volatilisée.
Elle a fui devant la frustration qui s’empare de moi.
Je fulmine, invective le dictionnaire, lui, ce faux ami,
Et le remise au rang des livres tombés en disgrâce.

Ma main est toujours là, tapotant inlassablement.
Son impatience s’est muée en énervement.
Écoute-moi bien, ma main… Si tu ne peux écrire,
Laisse mon front sur toi s’appuyer et attendons demain !