Les montagnes russes

Et voilà… Tous ces blocs entassés patiemment les uns sur les autres pour m’aider à sortir du trou, toute cette lente escalade sur les pierres glissantes de la paroi du puits pour me hisser enfin sur la margelle, c’était hier.
J’avais entrevu l’espace d’un instant le paysage bucolique qui m’attendait, j’avais posé mon genou sur le rebord du puits. J’étais prête à me redresser de tout mon haut, préparée à recevoir la lumière et la chaleur de cet automne finissant. Je savourais par avance ce que j’avais perdu de vue depuis longtemps. Je croyais fermement à l’impossible, à l’impensable. Je sentais battre en moi le souffle de la vie m’inonder régulièrement et doucement.
Soudain, elle est arrivée. Une crise d’angoisse terrible, pétrifiante, dévastatrice. Je ne me rappelais plus le degré de violence qu’elle pouvait atteindre parfois.
Je suis retombée… Au-dessus de moi, le ciel et le soleil n’ont plus de raison d’être. Le froid de la nuit descend et apporte son lot de voix fantômes qui m’habillent de leur venin. Mon crayon refuse d’écrire, l’inspiration a fui, les pages du dictionnaire sont blanches. Mes pinceaux ne trouvent plus la couleur qu’attend ma toile. D’ailleurs, elle ne signifie plus rien. Mon corps est douloureux, épuisé par une fatigue pernicieuse. Je ne veux plus de lui car il ne m’obéit plus. Le maître dépossédé de son autorité… Sentiment de n’être plus rien, de n’être rien du tout. Rien… Peur irraisonnée… De quoi, au fait ? Sommeil, sommeil… Je te cherche mais toi aussi tu m’as abandonnée. L’abandon… Pire que la mort…