Je, tu, il, nous, vous, ils, mais jamais sans elle…

Je marchais au bord de cette longue avenue.
Tu venais à moi en habits décontractés.
Il faisait une chaleur de soirée d’été.
Elle s’opposait à ma tenue convenue.

Nous nous sommes installés en bord de terrasse.
Vous n’imaginez pas les regards stupéfaits ?
Ils semblaient séduits par ce tableau si parfait.
Elles se voyaient volontiers à notre place.

Je sentais nos mains brûlantes s’entrecroiser.
Tu paraissais, par ta bouche, m’apprivoiser.
Elle exprimait, sans l’articuler, notre flamme.

Nous nous étions, sans préambule, resserrés.
Vous voyez ses lèvres, mon lien préféré ?
Elles subliment en moi ma céleste femme.

Désir de femme…

Je marchais le long de cette longue avenue.
Tu venais vers moi d’une allure convenue.
Il régnait une fraicheur de matin d’hiver.
Elle me permit de te proposer un verre.

Nous nous sommes assis au fond de ce café.
Vous sentez le plaisir de nos mains réchauffées ?
Ils nous proposaient leurs bonnes viennoiseries.
Elles s’approprieraient à la causerie.

Je sentais nos regards brûlants s’entrecroiser.
Tu paraissais, par ta bouche, m’apprivoiser.
Elle semblait dire, sans bouger, ton amour.
Nous nous étions sans préalable rapprochés.
Vous percevez nos émotions accrochées ?
Elles magnifiaient ma femme pour toujours.

Embrasement

Une gorgée de vin rouge envahit ma bouche
Ton regard en coin craint-il que je m’effarouche ?
Rassure-toi, je connais ce piège possible
Auquel je résisterai : l’ivresse indicible.

Les yeux clos, j’écoute la chaleur des arômes
S’insinuer en moi, m’apaiser comme un baume.
Lentement, ils déposent leurs parfums suaves
Qui jonglent adroitement avec les octaves.

Douce musique de mes papilles où se loge
Ce puissant nectar dont elle chante les éloges.
Tes yeux rieurs me confient que tu m’envisages
Et procèdent déjà à mon déshabillage.

Ma tête, pesante, bascule doucement,
Surprise d’un cotonneux engourdissement.
Dans la pénombre des bougies tremblotantes,
Vient poindre en moi une envie palpitante.

Sur mes lèvres, une goutte de l’élixir…
Désir brûlant, je te supplie de l’adoucir.
Tu te penches vers moi pour cueillir un baiser
Je ne maîtrise plus rien, je suis embrasée.

Montagne

 

Je m’élance aux devants de cette montagne. Je sais que c’est elle, celle je recherche depuis si longtemps. J’ai oublié son nom, peu importe. D’ailleurs, a-t-elle un nom ? Elle est faite pour moi, c’est tout ce que je sais. 

Je veux me perdre dans les replis de terrain de ce monde minéral et deviner mon chemin en laissant parler mon intuition, sentir le grain des aspérités écorcher mes doigts, entendre crisser mes ongles sur la dureté de sa roche, me laisser surprendre par le tranchant de ses arêtes. 

Je veux m’abandonner à la chaleur rouge et or de ses flammes de pierre, éprouver le froid de l’ombre se répercuter jusque dans mes os, lécher la glace prisonnière de la nuit pour étancher ma soif. 

Je veux appuyer ma joue contre sa paroi pour sentir battre son cœur, plaquer mon corps contre elle et ne pas chuter en arrière, retenir mon souffle dans le franchissement des passages délicats, sentir la force et l’attraction du vide parcourir mon échine jusqu’à suer de peur. 

Je veux regarder entre mes pieds filer l’abîme insondable, imaginer l’espace d’un instant l’issue fatale si je venais à ouvrir ma main. Je veux le regarder, me pencher au-dessus de lui pour me galvaniser et m’enivrer de cette certitude que je vaincrai. 

Je veux chevaucher ses arêtes neigeuses, toucher le ciel de mes yeux et me détacher de tout. Juste mes pieds posés sur le vide blanc. Je veux longer ses corniches sculptées par le vent et tracer en pointillés le chemin vers le sommet. 

Je veux me hisser sur ce sommet, dans un dernier élan, un dernier souffle. Et puis, encore hantée par toutes les ombres et les froidures de la face gravie, me redresser, incertaine, hésitante. Victoire balbutiante d’abord, mais qui explose ensuite en moi.  

Je t’ai défiée, toi, Montagne. Aujourd’hui, tu as bien voulu accepter ma présence. J’en suis consciente. Ce n’était pas un jeu, mais un face-à-face aléatoire dont l’issue est à chaque fois remise en jeu.  

En haut, l’ivresse d’avoir réussi se mêle à la sérénité, à une totale plénitude. Elles rivalisent avec la beauté froide et sauvage du paysage à perte de vue qui s’est dévoilé. La solitude du lieu et la solennité du moment m’étreignent. L’émotion. J’éprouve soudain le sentiment diffus d’une conscience aigüe de la vie, de son expression et de son sens si fugace. La certitude de faire partie d’un tout, d’une force invisible a priori mais qui montre son visage à qui veut savoir…  

Le vent m’assaille, il est temps de redescendre. La magie disparaît…

Hasard

Un homme et une femme se croisent dans la rue.
Toute parole est inutile, car…

Sourires rêveurs
Echanges du bout des yeux
Regards enlacés.

Soleil dans les âmes
Cœurs un instant entrouverts
Le temps est compté.

Mais la vie les lâche
Prisonniers de leur chemin
Que chacun poursuit.

Rencontre fugace
Qui leur échappe trop tôt
Parfum de regrets.

Pacte

Au contact de tes mains, je te reconnaîtrai,
Aux saveurs de ta bouche, je m’en remettrai,
Aux assauts de ta vigueur, je me soumettrai,
Au sommet de notre plaisir, je renaîtrai. 

Mais la partition n’est pas encore finie…  

À mes chuchotements ardents, tu te plieras,
À mes désirs exaltés, tu consentiras,
À mes caprices libérés, tu t’offriras,
À ma soif de victoire assouvie, tu boiras. 

Car je suis une femme.
Je suis ta Femme.

Poésies mignardises

Un jardinier vraiment pas dégourdi
Dans son jardin sema le mot radis.
Que poussa-t-il, des radis ou des mots,
Dans le jardin de ce pauvre nigaud ?
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Un morceau de bois sur un lac tout blanc
Traversa cette belle patinoire.
C’était tout simplement un crayon noir
Tirant un trait sur le papier tremblant.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Si grande était sa peine de cœur
Qu’il épancha ses larmes dans l’étang.
Qu’advint-il de lui après tout ce temps ?
Il se transforma en saule pleureur.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Un pêcheur, parti un soir en maraude
Remonta la rivière d’émeraude.
Il y attrapa une carpe-amour
En offrande pour sa belle-de-jour.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Un musicien très imaginatif
Hisse sa harpe en haut d’une montagne
Prétendant piéger le vent dans ses cordes.
Mais finit en état méditatif
Confronté aux émotions qui le gagnent
Face aux éléments et à leur exorde.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Pour sa belle, son cœur battait si fort
Qu’il en cherchait toujours le réconfort.
Alors il choisit d’être boulanger
Pour pétrir en pensée son corps léger.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Un pêcheur, peu habile de son coup
D’un silure vint toutefois à bout.
L’un comme l’autre étaient là, bouche bée
Désireux de victoire se nimber.
=o=o=o=o=o=o=o=o=
Un illusionniste perd sa baguette.
Il soupçonne un habile pickpocket.
D’ailleurs, il l’entrevoit dans le miroir…
Mais ce n’est autre que lui ! Curieuse histoire…

Voyage amoureux

Concours de littérature Regards – Moutiers Les Mauxfaits – 2018

Dans la soie bleutée de cette nuit, je conspire,
Allongée nue auprès de toi qui me respires.
Mes désirs s’organisent, un plan s’échafaude,
Pas de sursis pour cette envie qui me taraude.

Ta main, en bonne ambassadrice de tes sens,
Se saisit de ma nuque et ainsi me devance. 
Quand, sur mes épaules, elle fait sourdre un frisson,
J’entrevois le brasier vers lequel nous glissons.

Tes doigts sur mon dos cachent mal ton impatience,
L’écho de leur passage bride ma méfiance.
Ils se laissent échouer dans le creux de mes reins,
Le temps d’un frêle soupir faussement serein.

Ta main se fait plus chaude, elle m’électrise,
Pique ma sensualité, me magnétise.
Elle irradie jusque dans mon ventre palpitant,
Déjà gagné à tes arguments percutants.

Tu remontes ensuite le galbe de mes fesses,
La paume de tes mains les étreint et les caresse.
Ma fébrilité me consume entièrement,
Je veux t’accueillir plus que tout en ce moment.

Facétieux, tu décides de temporiser,
De me faire languir, toi, mon amant rusé…
Tu effleures trop vite mon intimité,
Ignorant d’un sourire ce jardin fruité.

Tu as trop joué ou pas assez avec moi :
Je laisse parler mon appétit en émoi.
Te voilà maintenant pris à ton propre piège,
Car je me saisis de toi, entreprends ton siège.

J’aime ces retournements de situation,
Pouvoir imposer ma propre ponctuation.
Sur cette Carte du Tendre où nous avançons,
Le raffinement en amour est notre moisson.

Dans la soie de cette nuit bleutée, tu conspires,
Allongé nu auprès de moi qui te respire.
Mélange sensuel de nos désirs légers,
D’amour en ivresse, nous avons voyagé.

Décliner “Se Rappeler” & “Envisager”

Se rappeler ce pont ébauché entre nous,
Revivre les espoirs qui, alors, se renouent,
Se remémorer cette approche à  pas feutrés,
Retenir ce souffle qui nous a pénétrés.

Garder nos premiers mots d’amour en arc-en-ciel,
Revoir notre passion grandir vers l’essentiel,
Se souvenir du chemin où je t’ai suivi,
Reconnaître ce bonheur qui lie nos deux vies.

Ce paysage palpite derrière nous.
Il est notre terreau et rien ne le dénoue.
Et parce que de nouveaux sentiers nous attendent,
Nous nous en remettons à leur tendre demande.

Envisager l’avenir comme guérison,
Regarder désormais vers le même horizon,
Oser cette partition, mais à quatre mains,
Observer la quiétude de nos lendemains.

Imaginer être cette rivière vive,
Se projeter dans la quiétude de ses rives,
S’élancer ensemble, rassurés de confiance,
S’épanouir, maintenant, en toute insouciance…

S’il m’était donné

Dans une autre vie, je serai un aigle royal.
Je m’élèverais plus haut que les nuages,
Plus haut que le ciel.
Je tutoierais Dieu,
Poserais sur lui mes yeux acérés,
Lui demanderais : pourquoi ?
J’irais au-devant du soleil,
Cueillir ses rayons, en fleurir tes cheveux.
Je l’accompagnerais jusqu’à son déclin,
Rapporter sa dernière chaleur, t’en envelopper.

Mais je ne suis qu’une hirondelle.
Un élément de décor dessiné là par Dieu.
Dans mon habit noir et blanc,
De mon vol rapide et silencieux,
Je t’emporte tendrement,
Mon amour de cristal,
Vers ce lointain qui t’arrache un peu plus à moi,
Après chaque battement d’aile.
Déjà flotte sur ton visage un sourire étrange.

Dans une autre vie…