Sur le Quai de la Vie

12 pieds

Sur le Quai de la Vie paradait un galion,
Ses cales emplies d’une cargaison légère :
Les rêves et les espoirs que nourrit tout être.
Fier et coloré, il fleurait bon l’illusion.

Sa vision gonflait les voiles de mon orgueil,
Autant qu’elle ancrait fermement mes certitudes ;
Ses canons assenaient lourdement des principes.
Son nom même était fracassant : l’Incontestable.

Une nuit cependant, le vent se déchaîna,
Agressant mon bateau de sa noire furie :
Il mordit, brisa, éventra puis disloqua
Avant d’abandonner des décombres épars.

Mon vaisseau et mes convictions avaient sombré,
Tandis que l’horizon, peu à peu dégagé,
M’apprit que j’avais tressé des cordes de sable
Dans un marécage de vérités trompeuses.

Rêverie

J’ai déposé sur ma feuille
Quelques mots pris au hasard.
Au hasard de mes rêves,
De mes joies et de mes peurs.

J’ignorais où cela me mènerait
Tant j’ai laissé ma plume divaguer.
Divaguer et délirer sans limite,
L’esprit ivre de liberté infinie.

Les mots cascadaient en couleurs,
Leurs embruns chargés de douceur.
Douceur fragile du moment,
Inimitable parfum de sérénité.

Qu’avais-je bien pu écrire
Pour m’apporter cette paix ?
Paix impalpable, irréelle,
Et pourtant si présente en moi.

Je ne pus jamais déchiffrer
Ce que mes doigts avaient tracé.
Tracé indistinct d’un instant éphémère
Où j’avais su lâcher prise.

Fleur sauvage

Sonnet

Caressé par le vent, je suis né ce matin.
Le champ qui m’abrite, éclaboussé aussitôt
D’or rouge flamboyant, foudroie de son veto
Le dernier assaut de l’hiver, piètre pantin.

Un à un s’étirent mes pétales satin.
Le soleil les défroisse dans un vibrato,
Transcende l’éclat de ce muet staccato
Tandis que sa brûlure scelle mon destin.

Livré ainsi dans toute ma fragilité,
Je ne peux cacher ma vulnérabilité ;
Le temps se moque de mon ardeur éphémère.

Déjà s’amenuise la vie, celle-là même
Que le printemps dans son souffle généreux sème ;
Dénudé par le vent, tombent mes fruits amers.

Manque de souffle

Poésie libérée

Je ne parviens à écrire
Que face au miroir de ma feuille,
Dans cette intimité à perte de vue
D’une page blanche où émergent,
Comme du brouillard,
Des émotions lointaines.

Je ne parviens à écrire
Que dans le repli sur moi-même,
Dans cette chute abyssale
Vers une âme dépouillée
D’où affleureraient encore
Des écueils douloureux.

Je ne parviens à écrire
Qu’en harmonie avec la nature,
Dans sa fragilité apparente
Mais dotée de vertus salvatrices
Qui parlent à mots furtifs
De la nécessaire verticalité de l’être.

Je ne parviens à écrire
Que dans le silence intérieur,
Où seules résonnent quelques notes,
Pour apprivoiser et habiller de mots
Les peurs, l’amour, les couleurs,
Et finalement, l’histoire de la vie.

Je ne parviens à écrire
Que dans la douleur éprouvée,
Celle qui s’enracine en moi,
Plus encline à s’installer
Qu’aucune autre émotion,
Et que seule l’écriture
Peut soulager et amoindrir.

 

Tendre suggestion

Acrostiche en 12 pieds – Rimes embrassées

AIMERAIS-tu voir ma bouche te parcourir ?
TU m’offrirais ta nuque pour te conquérir
DE mes lèvres aventureuses et gourmandes ;
MA tactique pour t’émouvoir quand tu quémandes.
BOUCHE avide d’un festin où tu me convies,
APPRENDRE à donner libre cours à nos envies,
SES effleurements seraient autant de frissons,
TENDRESSES et émotions, de belles moissons…

R é p o n s e :

TOUCHER dans un souffle ma peau  furtivement,
MON âme d’un adroit baiser discrètement,
CORPS bouleversé par la résonance intime,
C’EST ainsi que mon rêve le plus fou s’exprime.
TOUCHER, sentir et ressentir, humer ta peau,
TOUT est motif à porter ton cœur en drapeau.
MON attente est comblée par ta proposition :
ETRE ta source de plaisir sans condition.

Tel est pris qui croyait prendre

12 pieds

Doucement tu viens me chercher dans mon sommeil,
Je balance entre deux mondes indéfinis…
Ta virilité frémissante me réveille,
Tes mains espiègles valent bien une insomnie.

Mes rêves me retiennent, mais ta bouche avide
Descend en bas des reins sans autre préambule.
Mon œil entrouvert croise le tien, impavide,
Sur mes seins palpitants, il joue au funambule.

Ma fatigue est plus réelle que mon désir,
En guise de réponse, mon dos, je t’oppose.
Mais de tes mains éhontées, tu viens te saisir
De mes hanches ondulantes dont tu disposes.

La fulgurance de ma réaction traduit
Celle de ma féminité exacerbée.
Tu ne seras pas un amoureux éconduit,
Mais, par mes émotions, un amant adoubé.

De mes jambes fuselées au grain de velours,
Je m’empare furieusement de ta personne.
Pour toi débute à présent un compte à rebours,
Il te mènera en moi qui d’envie frissonne.

Tu aurais tort de te croire en pays conquis,
Maître de nos sensuelles réjouissances.
Je choisirai à mon gré le moment requis
Pour m’ouvrir à toi et magnifier ta puissance.

Quiproquo amer

12 pieds

JE sais combien ma réponse vous impatiente :
VIENDRAI-je ou pas ? Ne serais-je pas inconsciente ?
A votre invitation, je frissonne d’envie,
VOTRE charme délicat transcende ma vie.
RENDEZ-moi mon cœur, car je me sens défaillir,
VOUS êtes son hôte et le faites tressaillir.
ET si nous arrêtions ce jeu de cache-cache,
CETTE nuit, vous montrer ce qui en vous m’attache ?
NUIT, où le désir distillera sa fragrance,
SERA-t-elle à la hauteur de nos espérances ?
LA perspective de m’abandonner à vous,
NOTRE amour naissant m’envoutent, je vous l’avoue.

R é p o n s e :

NE vous laissez pas piéger par vos sentiments,
VOUS vous fourvoyez, dois je dire gentiment
MÉPRENEZ-vous sur d’autres causes plus futiles,
PAS sur des motifs en émotions trop fertiles
VOUS confondez soupirant avec séducteur,
ETES-vous aveugle à mon air réprobateur ?
SIMPLEMENT  ma lettre n’était pas allusive :
INVITÉE d’un soir, mais certes pas exclusive…
A ce jour, vous n’étiez pour moi qu’une maîtresse…
MON appétit pour vous n’était qu’une faiblesse.
MARIAGE de raison et de cœur conjugués
DEMAIN, par mon bonheur, vous serez subjuguée.

Le Mulet de Valros

(12 pieds)

Un brave métayer partit de sa montagne
Pour se rendre en bord de mer acheter du sel.
Il rencontra un homme lourdement chargé
Qui s’épongeait le front de sueur recouvert.

Mon ami, s’exclama l’aimable paysan,
Pourquoi vous éreinter avec ce lourd fardeau
Qui n’affecterait pas une bête de somme ?
Vous voulez, par ce soleil ardent, rendre l’âme ?

Hélas ! lui répondit l’autre, l’air déconfit,
Mon compagnon de labeur m’a abandonné.
Laissez-moi vous conter l’histoire saugrenue
D’une rencontre plus qu’improbable à mes yeux.

Mon animal de portage, dans la rivière
 En étanchant sa soif, remarqua un mulet.
 Il cherchait visiblement la discussion.
«Je n’en peux plus de ma piètre condition !

Mon espèce est mise en danger par les pêcheurs,
Cuisiné à toutes les sauces, je m’éteins

«J’ai une idée pour toi ! s’exclama l’équidé,
Une suggestion pour quitter ton ruisseau…

Mes oreilles trop minces pour chasser les mouches,
Ton long corps fuselé serait plus efficace…
Ta couleur argentée serait d’un bel effet,
Son gris ciel se marierait bien avec ma robe.

Marché sitôt conclu sous mes yeux ébahis !
Je vis le poisson sortir de l’eau, prendre place
Sur la tête du cheval, devenu… mulet !
C’est ainsi que naquit le Mulet de Valros…

Pour toi qui te reconnaîtras…

Sonnet (Alexandrins, 2 quatrains, 2 tercets)

Embarquée comme Ulysse pour un long voyage,
De la vie fugace, j’en suis le fil ténu.
Inquiète mais attirée par l’inconnu,
À chaque ailleurs, mon navire a fait mouillage.

De ce parcours initiatique sans naufrage
Débarrassée de mes idéaux d’ingénue
Je pense néanmoins en être revenue,
Par l’amour et l’espoir poussée dans mon sillage.

Me voici enfin de retour à mes racines,
Je m’abandonne à cette vie qui me fascine
Désormais réconciliée avec moi-même.

Des entraves, j’ai appris à me libérer
Tu m’as appris le pouvoir de persévérer.
Je dédie à l’amour de ma vie  ce poème.

J’ai oublié de te dire…

(6 pieds)

J’ai oublié d’écrire,
Dire ce qui déchire
Pour que dans un soupir
Revienne mon sourire.

Oublié de rêver,
Le cœur tout entravé
De l’angoisse larvée
Qui n’a rien préservé.

Oublié tant de joies,
Dans une vie sans choix
Emplie de désarroi
Où rien ne se conçoit.

Mais tout est différent,
Devenu cohérent,
Ton amour conquérant
Tout autant rassurant.

Plus question de flétrir,
De me laisser meurtrir,
Puisque dans un soupir
Tu cours vers mon sourire.