Voie du plaisir par ta voix

8 pieds

Quelque part s’élève ta voix.
Son timbre grave se pourvoit
De frémissements qui louvoient
Vers mon désir, trouvent leur voie.

Voie ouverte aux tonalités.
Sombres et chaudes, habitées
De cette sensualité
Flambeau de ta virilité.

Virilité qui me transcende.
Certes, muette est ma demande,
Mais tout mon être te quémande,
Tu sais combien je suis friande.

Friande de tes inflexions.
Elles servent tes intentions…
Je succombe à ta séduction,
Certaine de mon intuition.

Cœur à l’abandon

6 pieds

Un grain d’indécision,
Un soupçon d’allusion,
Le doute à profusion,
Annoncent l’érosion.

L’érosion de l’amour,
Qui vous prend à rebours,
Et surtout sans détour,
Empêchant tout retour.

Retour cruel de flamme,
La vie devient infâme,
Quand silence de l’âme
Et du cœur s’amalgament.

Désenchantement

6 pieds

J’ai posé sur ta bouche
Ma plus belle escarmouche,
Mais un rien t’effarouche
Je n’ai donc pas fait mouche.

J’ai posé sur ton cœur
Un drapeau de vainqueur,
Mais toi d’un air moqueur
M’as traité de dragueur.

J’ai posé sur ton sein
Un sourire à dessein,
Mais ton air assassin
M’accuse de larcin.

Renoncer à ton charme,
C’est ce qui me désarme.
Et soudain une larme,
Je dépose les armes…

L’écrivain-musicien

“Sans la musique, la vie serait une erreur.” (Nietzsche)

Quelques mots réunis, somme toute banals,
Voilà pourtant un poème qui voit le jour.
Tout en mélodie, il agit comme un fanal,
Un appel à l’écouter qui émeut toujours.

Sur le seuil de la première ligne s’entrouvre
Le monde de la musique, lieu amical.
L’écrivain-musicien compose, se découvre
Derrière l’entrelacs de phrases musicales.

Il orchestre la partition de son rondeau,
Tel un maestro ou un éminent pianiste.
Dans la Mer des Alexandrins, sur son radeau,
Officie l’écrivain, mystérieux alchimiste.

Tout le nourrit : ce qu’il voit, entend et respire
Apporte les ingrédients de sa création. 
Métamorphosant les émotions qui l’inspirent,
Ce musicien crée avec imagination.

De tous les émois, il en est le réceptacle,
Devient un grenier inépuisable de rêves.
Sa sensibilité, élevée au pinacle,
Peut pourtant le blesser, agissant comme un glaive.

Il jongle avec les mots, joue à l’équilibriste
Avec leurs rythmes qui impulsent la cadence.
Il plonge avec délice dans ce jeu de piste,
Guidé par d’infinies palettes de nuances.

Parfois étonné par son inventivité,
Il s’obstine dans sa quête de perfection. 
À d’autres moments, manquant d’objectivité,
Il ressent l’abandon de son inspiration.

Posant sa partition avec soulagement
Autant qu’avec regret, il en a terminé.
Sa symphonie guide vers des raffinements
Où, médusés, nous nous laisserons fasciner.

De vers et de notes, surgit un paysage,
Source d’émerveillement pour tout auditeur.
L’écrivain-musicien a gagné : un passage
Au cœur même des émotions du visiteur.

Jalousie

Deux sonnets écrits autour d’un même thème, mais avec un registre de langage différent.

Sonnet pour chien précieux

Invraisemblable ! Il est parti ce matin
Sans un regard pour moi, d’un pas précipité.
Depuis, l’angoisse dilue sa toxicité,
Privé de raison d’être, je suis un pantin.

Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de satin
Me promettaient à jamais sa fidélité.
En plein bonheur, je manquai de lucidité,
Préférant garder son amour comme un butin.

En vain l’horloge pousse le temps qui s’étire…
Une vérité commence à m’anéantir,
Elle lacère mon univers où tout bouge.

Je sais maintenant l’existence d’un rival…
Muet, sans puce, aux courbes d’un bel ovale,
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…


Sonnet pour un cabot

Je pige plus rien ! Il s’est barré ce matin
Sans me donner mon os, d’un pas précipité.
Depuis, je ne trouve pas ma tranquillité,
Me serais-je montré un peu trop cabotin ?

Hier soir pourtant, près du feu, ses yeux de crétin
Me promettaient croquettes jusqu’à satiété.
Crédule, je vivais dans la docilité,
Doucement conforté par son baratin.

Soudain la vérité aveuglante me terrasse,
Tel un Saint-Bernard s’abattant sur ma carcasse,
Lorsque j’aperçois un bocal où rien ne bouge.

Je me résigne alors, moi le chienchien fidèle,
Pars bouder dans mon panier tenir la chandelle :
Mon maitre a acheté un affreux poisson rouge…

Les mots à vif

Elle a les mots à vif, les mots à fleur de peau,
Le souffle erratique, étouffé de sa détresse,
Le cœur en déluge, noyé de désarroi,
L’espoir déchiré, ravagé de tristesse.

Elle avance dans le noir, son cœur plein de nuit,
L’âme couverte de bleus à buter sans cesse
Contre ses frayeurs qui froidement la submergent,
En distillant panique et attaques sournoises.

Elle voudrait s’épancher, exprimer enfin
Ce qu’elle ressent mais les phrases lui échappent,
Se vident soudain de leur substance et pourtant…
Elle a les mots à fleur de peau, les mots à vif.

J’écris ton nom

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’écris ton nom, les yeux confiants vers le ciel.
Sur le givre de dentelle je l’incruste,
Aux ailes brumeuses du vent je le lie,
En lettres de rosée je le sculpte.

Je colore ton nom aux pastels d’automne.
À la palette de l’arc-en-ciel je le confie,
Aux nuages rêveurs je l’accroche,
Au sel éthéré de la vie je l’associe.

Je lance ton nom au-delà de l’Univers.
Du parfum des étoiles, je l’irise,
De la brûlure du Soleil je le protège,
Du vertige de l’immensité, je le drape.

Car c’est bien de toi qu’il s’agit, l’Éternité,
Toi qui m’apparais dans tout ce qui vit,
Promesse ténue mais miraculeuse,
Source d’espoir et d’infinitude.

Je te regarde pleinement rassurée,
Mais à peine ai-je entrevu ton image
Que ton nom de poussière s’évanouit
Dans le noir sidéral du vide absolu.

Je crie désespérément ton nom, l’Éternité !
Pour avoir osé croire à ton existence,
Je me suis projetée dans une illusion
Qui a duré le temps infime d’une vie.

L’océan de la nuit

Entends la nuit qui marche,
Elle s’avance au son du vent tempétueux ;
Il torture sans répit l’océan
Et le malmène violemment.

Entends la nuit qui hurle,
Pour ces marins au bord de leur vie,
Tandis que pleure le ciel
Pour les accompagner dans leurs tourments.

Entends la nuit qui noircit
Tout ce qu’elle touche ou effleure
Et creuse des abîmes insondables.
Où à jamais tout espoir se perd.

Entends la nuit qui rampe,
Domine de son mystère ce vaste monde.
Il se découvre soudain égaré
Dans les abysses de ses cauchemars.

Entends la nuit qui se noie
Dans les bleus sinistres et les noirs ténébreux.
Ils s’affrontent, choc de titans,
Dans la démesure de leurs sombres couleurs.

Garde-toi bien de prendre la mer ce soir,
Les éléments se sont associés
Pour t’entraîner vers des rives inconnues
Où l’angoisse qui mène à la folie t’attend.


Les vents m’ont dit

Concours régional de poésie Poitou-Charentes – 2018

J’ai entrouvert ma porte en entendant le vent…
Il m’appelait ; je suis allée à ses devants.
« Va donc chercher dans ton magasin d’écriture
Les mots que j’ai à te dire sans fioriture. »

Ses remous se sont enroulés autour de moi,
Son souffle incessant a sifflé sur mes émois.
C’est dans mon âme qu’a retenti son message :
« Tous les chemins ne sont qu’un long apprentissage… »

Devant mon étonnement, il a ajouté :
« Écoute les battements du temps tourmenté.
Ce métronome implacable rythme ta vie,
Invite au voyage, mais cesse sans avis. »

Bien plus haut, dans le ciel, courait le zéphyr vivant.
Tourbillonnant, son manège était captivant.
Il se prit à tournoyer et sur un buisson,
Déposa son soupir léger en un frisson.

«Sois créative, reste assoiffée de savoirs,
Émotion et raison peuvent se concevoir.
Conjugue simplement comprendre et ressentir
Laisse ta vraie nature parler, pressentir. »

Tant de profondeur dans ces beaux enseignements !
Comment les pratiquer, les vivre pleinement ?
Je n’en mesurais que trop la difficulté…
Les vents m’ont dit alors : « Tu as l’Éternité… »

L’écrivain

 

Quelques mots réunis, somme toute banals,
Voilà pourtant un poème qui voit le jour.
Quelconque ? Non, car il agit comme un fanal,
Un appel à le dévoiler qui émeut toujours.

Qui se cache ou au contraire se découvre
Derrière cet entrelacs de phrases, de pages ?
Sur le seuil de la première ligne s’entrouvre
Un monde fabuleux : la magie du langage.

Bien sûr, quelqu’un se tient là, derrière le rideau,
Tel un maestro ou encore un marionnettiste.
Sur la mer des alexandrins, jetant son radeau,
Voici venir l’écrivain, mystérieux alchimiste.

Tout le nourrit : ce qu’il voit, perçoit et respire
Apporte les ingrédients de ses créations.
Métamorphosant les émotions qui l’inspirent,
Ce magicien débride son imagination.

De tous les émois, il en est le réceptacle,
Devient un réservoir inépuisable de rêves.
Sa grande sensibilité, portée au pinacle,
Peut pourtant le blesser, agissant comme un glaive.

Il jongle avec les mots, joue à l’équilibriste
Avec leurs rimes qui impulsent la cadence.
Il plonge avec délice dans ce jeu de piste,
Seulement guidé par leurs infinies nuances

Parfois étonné par son inventivité,
Mais exigeant dans la quête de la perfection.
À d’autres moments, manquant d’objectivité,
Sûr d’être abandonné par son inspiration.

Posant enfin sa plume avec soulagement
Autant qu’avec regret, il en a terminé.
Son écrit nous emmène vers des raffinements
Où, médusés, nous nous laisserons fasciner.

De vers ou de prose, surgit un paysage,
Source d’émerveillement pour chaque lecteur.
L’écrivain a gagné son pari : un passage
Au cœur même des émotions de son visiteur.