Cette année encore

Inestimable récompense que le printemps
Pour tous ceux qui auront pu traverser l’hiver.
Premières brises tièdes poussées par l’autan,
Parfums chauds épanouissant les primevères.

Offerte avec délice aux rayons du soleil,
Elle lui confie le doux réveil de son corps.
S’étire comme pour sortir de ce sommeil
Qui depuis de longs mois, imposait le décor.

Elle n’était pas repliée sur elle-même,
Mais s’était laissé engourdir par le grand froid.
Aujourd’hui, ses yeux devenus des diadèmes
Glissent sur sa peau que la lumière poudroie.

La vie est là, ne demandant qu’à s’exprimer,
Sans autre ambition que d’éclore de nouveau.
Une force invisible et vive à imprimer,
Rouge et ardente comme la fleur de pavot.

Elle en est là, perdue dans ses divagations,
Lorsque, derrière ses yeux mi-clos, se profile
Une silhouette suscitant l’attention.
Jusqu’à son esprit, la tentation se faufile.

De sa léthargie bondit cette chasseresse.
Dans son champ de vision, elle le reconnaît.
Sens frémissants, elle l’approche avec souplesse
Tandis qu’il déguste un verre de chardonnay.

La malice guide sa main pour se saisir
Du vin dont elle s’enivre avec volupté.
Sur sa gorge s’égare une goutte élixir ;
Il s’empresse de lécher sa peau veloutée.

Le buste renversé en arrière libère
Sa robe évanescente, la dévoilant, nue.
Elle s’abreuve encore un peu, air de mystère…
Le breuvage s’écoule entre ses seins menus.

D’un sourire entendu, félin, elle ramène
Ses bras frêles autour des épaules gracieuses.
Lui, sent s’intensifier une envie inhumaine
De se fourvoyer sur ses courbes délicieuses.

Tête inclinée, nuque fragile révélée,
Le font sortir de sa réserve contenue.
Ils se dégustent… La vague va déferler…
Cri rauque de plaisir, sans plus de retenue.

Quelle heure est-il ?

5 05

J’attends l’arrivée du sommeil
Pour embarquer vers des rêves. Colorés.
Je peux bien m’autoriser cet espoir…

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Qui se moquent bien du temps.

Je ne peux en détacher mes yeux,
Comme hypnotisée par leur couleur
Et leurs formes à angle droit.

À les fixer ainsi, ils s’animent.
Je distingue une femme et un homme.
Allongés l’un à côté de l’autre.

Jambes à moitié repliées,
Ils se tournent le dos.
Leur amour s’est éteint.

Ils ignorent cette vérité,
Mais ils s’ignorent l’un l’autre.
Demain, leurs yeux s’ouvriront.

Le sommeil finit par m’emporter.
J’embarque vers des rêves. Quelconques.
Catalogue de choix restreint, pas de chance.

Autant me réveiller, j’en ai assez vu.
À moi d’ouvrir les yeux.
Réflexe : regarder l’heure.

Mon réveil annonce 5.05
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Qui se moquent bien de moi.

Car je lis et déchiffre : S0S

Dédale

Mémoire de dentelle, j’en ai perdu la trame.
Tes fils entrecroisés et tes mailles fines
Se sont déliés, fragilité cristalline.
Ils ne savent plus reconnaître leur programme.

À l’affût du moindre soupçon de souvenir,
Je griffe désespérément ce voile obscur ;
Il bride ma vue, de son épaisse texture.
Pas même un maigre vestige à retenir.

Mémoire de papier, où sont passés mes mots ?
Je pars à l’aveuglette dans un jeu de piste.
Vocabulaire kidnappé, il en subsiste
Des ombres qui ne savent pas dire mes maux.

Comment réussir à parler spontanément,
Si réfléchir à la formulation s’impose ?
Je joue sur les nuances, j’essaie, je compose,
Pour approcher ma pensée le plus justement.

Mémoire de sable, je remonte ta trace.
Derrière moi, ma vie s’écrit en pointillés.
Une histoire pêle-mêle, entortillée.
À quoi me raccrocher pour retrouver ma place ?

Autour de moi sourient des visages connus.
Mais pas reconnus. Fantômes, qui êtes-vous ?
Déconnectée…  Dans ma tête, coup de grisou.
J’erre dans un brouillard cotonneux et confus.

Mémoire de brume, mets un terme à ton jeu.
Prisonnière de ce manège implacable,
Ma résistance n’est pas inépuisable.
Mon équilibre est devenu le seul enjeu.

Je m’égare dans un labyrinthe livide,
Suis un chemin pour ensuite faire demi-tour.
Je tourne en rond et scrute les alentours.
Évidence : il ne reste plus que du vide.

Mémoire émotionnelle, toi fidèle amie …
Je ferme les yeux, à l’écoute de mon corps.
Il garde dans ses cellules tous les décors,
Gardiens de mes futurs souvenirs en semis.

Mais plus loin, deux ou trois petits tours sur moi-même
Ont suffi à éparpiller mes espérances.
Sur ce manège de la vie, que d’apparences…
Dois-je croire ou douter ? À chacun son dilemme.

Enquête ou En quête

Le temps s’échappe, m’échappe.
Par quel tour de magie réussit-il toujours à tromper ma vigilance ?

Mes tentatives pour le retenir s’avèrent toujours vaines.
Mes doigts tentent de l’accrocher, l’enserrer.
Mais il s’écoule et file, sans état d’âme.
Immuablement.

Seuls persistent çà et là quelques filaments de mélancolie,
Comme ces longues herbes vertes que peigne le courant des rivières.

Où s’enfuit-il ? Je peux m’adonner à toutes sortes d’activités
Afin de le quantifier, de le compter, le décompter…
Je peux aussi le traquer, me mettre en embuscade,
Pour essayer de l’apercevoir dès que je le percevrai…

Il a toujours le dernier mot et finit par disparaître.
Sans laisser d’indice.

Pourtant, mon visage dans le miroir ne ment pas sur son passage.
Un regard en arrière sur ma vie lui confère l’aspect d’un livre volumineux.
Les pages en sont noircies d’écriture.
Mes yeux n’éprouvent aucun scrupule à montrer un horizon devenu incertain.

Je n’avance pas davantage dans ma quête :
Elle débouche sur la même voie sans issue.

Autant vouloir attraper le vent :
Plus je cours après le temps, plus il s’effiloche, se rend insaisissable, se joue de moi.
Mon existence ressemble à une dentelle, sans trame ni chaîne ;
Les parties ajourées indiquent tous ces moments où j’ignore ce que j’ai fait de ma vie.

Il doit exister malgré tout une réponse.
À portée de main, à portée d’esprit.

Cette trame-là existe bel et bien.
À moi d’apprendre à la déchiffrer, pour ensuite la lire.
Avant qu’il ne soit trop tard.
Avant de n’avoir plus le temps.

Au lieu de m’éparpiller dans tous les sens,
Peut-être devrais-je chercher en moi.

Je me suis posée dans les herbes folles,
Les yeux perdus sur ma chère montagne.
Cette brise printanière que je laisse pénétrer mon esprit,
Ce doux soleil qui me rassure de sa chaleur…

Je crois avoir senti, l’espace d’un instant, le temps s’arrêter.
À moi d’apprivoiser cette fugace vision pour comprendre, l’apprécier. Enfin…

D’ombre et de lumière

Tu l’as rejointe dans la pénombre tiède
D’une nuit d’été, à la faveur de son parfum.
Évanescent, tout en nuances, il précède
Tes pas qui se laissent guider par cet embrun.

La voici devant toi, silhouette si frêle…
Tu redoutes un instant de voir s’évanouir
Dans l’obscurité, cette femme de dentelle.
Alors, tu saisis sa main pour la retenir.

Tu enfouis ton visage dans ses cheveux,
Leur caresse se propage en toi comme une onde.
La profondeur de ce moment vous rend nerveux.
Mais, pour vous rassurer, surgit la lune ronde.

Les regards parlent et les bouches se racontent.
Les mains se cherchent avidement, les corps s’enlacent.
En vous, une vague irrésistible remonte.
Alors, un à un, ses vêtements tu délaces.

Avec précaution, tu l’allonges près de toi
Dans le silence bruissant de votre désir.
Te penchant sur ses yeux limpides qui chatoient,
Tu décèles son invitation au plaisir.

Avec confiance, elle t’offre sa féminité
Au point de t’émouvoir devant cet abandon.
Tu n’imaginais pas tant de fragilité…
Ton souhait désormais : l’honorer pour ce don.

Dans un souffle, effleurer sa peau, lentement,
En apprécier son goût autant que sa texture,
T’attarder sur ses formes, quel ravissement…
Voir son corps se cambrer sous ta douce torture.

Te rassasier enfin de son intimité,
Te brûler à son feu intérieur qui te fascine,
Donner libre cours à vos sensibilités,
Parvenir à l’extase que tu redessines.

Tu sais…

Tu sais que ces paysages-là traversés,
Correspondent à la vision de l’existence.
Des décors pour écrire ta vie, avancer,
Et révélés une seule fois pour leur sens.

Mais tu ne l’as pas encore compris.

Tu sais que tu ne pourras pas les retrouver,
Embarqué malgré toi sur le cours de ta vie.
Jusqu’à son embouchure tu vas dériver,
Te nourrissant de ceux que tu auras suivis.

Mais tu ignores être cette rivière coulant vers la mer.

Tu sais que chaque pas est une initiation
Qui t’apporte les bons outils pour progresser.
Vois-le comme le résultat d’une impulsion
Située en amont où tout a commencé.

Mais tu n’en as pas encore conscience.

Tu sais que des rencontres viendront t’enrichir,
Compléter et parfaire ton apprentissage.
Et tu n’auras de cesse de les retenir.
Pourtant, elles seront seulement de passage.

Mais tu ne veux pas encore accepter cette idée.

Tu sais que le courant, inexorablement,
T’amène à la dernière étape : un détroit.
C’est là que t’attend le dernier questionnement :
Où en suis-je donc de ma vie, en cet endroit ?

Mais tu te crois encore loin. Très loin…

Portrait

Un peu de gris sur tes cheveux rebelles et flous
Apporte un éclairage à ton visage doux.
Dans leurs mèches, ma main aime se faufiler
Avant de sentir ta nuque se profiler.

Ton front noble abrite une vive intelligence.
Il seconde toujours ton cœur de sa présence
Pour imaginer, murmurer les mots osés,
Les mots d’amour, telle une écharpe de rosée.

Ça et là, quelques rides se sont installées,
Te faisant don d’un charme fou inégalé.
Du bout des doigts, je les déchiffre, je caresse
Leur chemin indistinct, m’attarde avec tendresse.

L’espièglerie dont tes yeux rieurs se déguisent
S’allume parfois d’un désir de gourmandise.
Ils me scrutent et descendent au fond de moi
Faisant surgir dans mon être un profond émoi.

Ta bouche sensuelle rime avec sourire,
Elle se plaît à me parcourir, me conquérir.
De tes lèvres, ma langue trace le dessin
Et aussitôt s’enflamment de charnels desseins.

L’ensemble fait de toi un bel homme envoûtant,
Au parfum d’élégance et de vie palpitant.
Ton visage ouvert rayonnant d’assurance
Me prive de toute défense ou résistance.

Amies, si vous pouviez admirer son physique,
Vous seriez conquises par son corps magnifique.
Mais j’arrêterai là ma brève description.
Tant pis, je vous laisse à vos élucubrations.

Je sais aussi…

Je sais le mal-être qui te ronge
Jusqu’à la nausée, violente,
Jusqu’au dégoût de toi-même.

Je sais à quelle incompréhension
Tu te heurtes, interdite de défense,
Et les a priori qui te condamnent.

Je sais à quel point tu déranges
Les bien-pensants donneurs de leçons,
Les principes inébranlables de certains.

Je sais cet appel intérieur, sa voix
Qui parfois répand sa brume en toi,
Lorsque tu te crois près de tomber.

Je sais son insistance à te tenter,
Et le visage qu’il revêt insidieusement :
Celui du mirage fallacieux de la paix.

Je sais que tu marches sur un fil,
Funambule de cette vie, où chaque pas
Peut tout faire basculer. Définitivement.

Je sais combien tout cela te pèse,
Le supplice où ton existence t’a enfermé.
Tu voudrais pouvoir déposer ce fardeau.

Je sais que je n’ai aucun pouvoir,
Aucune arme digne de ce nom
Pour te secourir. Au moins te soutenir.

Je sais le sursis qui précède la décision.
Mais laquelle ? Terrifiante angoisse.
Insoutenable sentiment d’inutilité.

Je sais pourtant le pouvoir de la Vie,
Celui qui résonne malgré tout en toi,
Qui te ramène vers elle, avec douceur.

Je sais aussi mon amour pour toi,
Il t’appartient, force sincère et vraie.
Tu ne l’ignores pas, je sais cela aussi.

Alors… Alors ?

Je ne sais plus rien.
J’espère, je te fais confiance.
Encore une fois.

 

Je sais…

 

Je sais la couleur d’un ciel d’été rougeoyant,
L’étincelante blancheur d’une neige vierge.
Je sais la profondeur du ciel bleu dans la mer,
Le vert délicat dont se pare le printemps.

Mais je ne sais pas si je resterai lucide.

Je sais le pouvoir indicible de l’amour
Et l’harmonie que peuvent atteindre deux cœurs.
Je sais la force de sa chanson enivrante
Pour peu que le feu soit toujours entretenu.

Mais je ne sais pas si j’en serai capable.

Je sais la saveur de chaque respiration,
Le plaisir éprouvé à se sentir vivant.
Je sais l’importance à apprécier chaque instant
Pour pouvoir un jour me retourner sans regret.

Mais je ne sais pas si j’y veillerai sans fin.

Je sais que la vie toujours reprend ce qu’elle donne
Elle n’est qu’un théâtre où chacun est de passage.
Je sais ce caractère urgent et capital
Qui exhorte à se délecter de l’éphémère.

Mais je ne sais pas si j’en prendrai la mesure.

Je sais maintenant être parvenue au port,
Escale dans ma vie pour savoir qui je suis.
Je sais bien que mon voyage se finira
Lorsque plus aucun souffle ne me poussera.

Mais je ne sais pas si je me connaîtrai mieux.

 

Sus à l’insomnie !

Insomnie, voleuse de mes rêves, de ma nuit,
Je te réglerai ton compte bien avant minuit…
Tu crois la partie gagnée en m’assénant l’ennui,
Apprête-toi à subir un revers aujourd’hui…

Tu t’amuses de m’avoir privée de mes songes,
Mais dans le confort moelleux du lit je m’allonge.
Tes étoiles aux confins du monde se prolongent,
Lumières de ce fantasme dans lequel je plonge :

Une recette de cuisine pour fin gourmet.
Destination séduisante pour une affamée…
En ingrédient principal : toi, pour tout enflammer.
Quantités : laisser l’inventivité s’exprimer.

Mélanger intimement le chaud souvenir
De nos corps enlacés, mais aussi entretenir
La confiance dans le jardin du devenir.
Parfois craintive, elle conditionne l’avenir.

Mais quoi ? Le plaisir doit savoir se faire attendre
Même en amour… Ce qui suppose d’apprendre
Patience, art de louvoyer dans les méandres
Du désir, cultiver l’habileté à surprendre…

Alors reprenons notre recette avec rigueur.
Attendons avant de céder à la langueur.
Me voilà motivée, pleine de fraîche vigueur
Je veux assouvir ma faim de toi, beau charmeur…

Réponds-moi : où en étions-nous, ma mémoire,
Peau contre peau… Étape suivante obligatoire :
Assaisonner maintenant pour relever l’histoire,
De frissons érotiques au sulfureux pouvoir.

Saupoudrer du piment qui sied à nos rencontres.
Incorporer le levain. Viens, je te montre…
Laisser reposer un moment. Tu n’es pas contre ?
De mes conseils sucrés tu n’irais pas à l’encontre…

Pétris chacune des zones sensibles tour à tour.
Soigneusement, effeuille-moi de mes atours.
Badigeonne de crème au miel sur le pourtour.
Dans notre fusion, c’est le point de non-retour.

Verser doucement ton envie et ta passion
Sur mes sens électrisés et en exaltation.
Progressivement, amener à ébullition
Pour parvenir au paroxysme des émotions.

Sans perdre un instant, déguster suavement…